Partager:
Jacques Rançon a été condamné samedi à 30 ans de réclusion criminelle assortis d'une peine de sûreté de 20 ans par la cour d'assises de la Somme pour le viol et le meurtre d'Isabelle Mesnage durant l'été 1986.
Les jurés ont suivi les réquisitions de l'avocate générale à l'encontre de l'ancien cariste-magasinier de 61 ans, déjà condamné en 2018 à la réclusion à perpétuité pour les viols et meurtres de deux femmes près de la gare de Perpignan en 1997 et 1998.
"Dans la tête de Jacques Rançon, tout est sexuel, une sexualité violente", avait lancé l'avocate générale Anne-Laure Sandretto lors de ses réquisitions, au cinquième et dernier jour de ce procès.
Jacques Rançon avait avoué en 2019 avoir violé Isabelle Mesnage, une informaticienne de 20 ans retrouvée morte à la lisière d'un bois près d'Amiens, l'avoir étranglée, puis avoir découpé son sexe et ses seins pour effacer son ADN. Il avait répété ses aveux devant le juge d'instruction, avant de se rétracter par courrier.
"Nous ne sommes pas très surpris. Le délibéré a quand même duré plus de quatre heures. Dans un dossier pareil, c'est une petite victoire car cela démontre que le verdict a été discuté", a réagi auprès de l'AFP Me Gérald Brivet-Galaup, son avocat, qui avait plaidé l'acquittement. "La logique voudrait qu'il fasse appel", a-t-il précisé.
Me Didier Seban, avocat des parties civiles, a lui fait part de sa "satisfaction" avec "l'idée que la justice est enfin rendue dans une affaire qui a aujourd'hui 35 ans".
Samedi matin, Mme Sandretto a dressé le portrait d'un homme "en béton armé qui n’a aucune vibration émotionnelle", "insondable", "taiseux" et "dangereux", passant "d’une vie banale à une vie d’horreur quand il est déchainé par ses pulsions".
Devant un accusé impassible, la tête baissée dans son box, elle a détaillé la liste des "charges", notamment le lieu des faits, "terrain de chasse" de Jacques Rançon, proche de son domicile de l'époque, un endroit qu'il "connait parfaitement" et où il a "déjà fait deux victimes connues".
L'avocate générale a également relevé la "concordance" entre la disparition d'Isabelle Mesnage et l'emploi du temps de l'accusé ce jour-là. Quant au "mode opératoire", elle a rappelé la "similitude des blessures" infligées à Isabelle Mesnage, Moktaria Chaïb et Marie-Hélène Gonzalez, les deux victimes de Perpignan.
- "Enfant sauvage" -
Invoquant "l'étincelle d'humanité" de Jacques Rançon, la défense avait appelé les jurés à "s'en tenir aux faits" et dénoncé le traitement médiatique de ce dossier qui a "orienté l'opinion publique".
"On voudrait condamner Jacques Rançon sur des similitudes, des hypothèses. Or il faudrait des certitudes et non des suppositions", a lancé Me Xavier Capelet, avocat au barreau de Perpignan.
Selon lui, son client a "inventé" des aveux "manifestement suggérés". S'il avait commis ce crime, "comment peut-il se présenter à son rendez-vous sans la moindre goutte de sang sur lui?" à 17H00, quelques minutes après l'heure supposée des faits, a-t-il demandé.
"Il y a quelque chose chez lui de l'enfant sauvage, de l'enfant mal construit" mais "Jacques Rançon ne ment pas. Il est innocent", a renchéri Me Gérald Brivet-Galaup.
"Les experts l’ont dit : ce n’est pas un pervers, il ne prend pas de plaisir à la souffrance de ses victimes", a-t-il ajouté, invitant les jurés à "mettre de côté les horreurs de Perpignan" pour s'en remettre à leur "intime conviction".
Selon Me Corinne Herrmann, avocate des parties civiles, la peine requise par le parquet est "déjà très lourde pour un primo-délinquant" puisqu'"il s'agirait de son premier meurtre". "Je comprends que le parquet ne puisse pas solliciter la perpétuité", a-t-elle réagi devant la presse, rappelant que ses clients ne sont pas dans "une démarche de vengeance" mais de "souhait de justice".
L'enquête avait piétiné avant d'aboutir à un non-lieu en 1992. Mais elle avait été relancée en 2017 quand cette spécialiste des affaires non élucidées avait demandé au nom de la famille la réouverture des investigations et obtenu gain de cause.