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Deux hauts fonctionnaires et anciens supérieurs d'Alexis Kohler ont été mis en examen le 9 février pour "complicité de prise illégale d'intérêts" dans l'enquête sur les liens du secrétaire général de l'Elysée avec l'armateur MSC, a indiqué le Parquet national financier (PNF) lundi, confirmant une information de l'émission Complément d'enquête (France 2).
Dans ce dossier, M. Kohler, mis en examen pour "prise illégale d'intérêt" en septembre sans contrôle judiciaire, est soupçonné d'avoir "participé" entre 2009 et 2016, à des décisions relatives à l'armateur MSC, groupe appartenant à des membres de sa famille.
Bruno Bézard et Jean-Dominique Comolli, patrons successifs entre 2007 et 2010 puis entre 2010 et 2012 de l'Agence des participations de l'Etat (APE), étaient les supérieurs de M. Kohler lorsque celui-ci était administrateur de STX France (aujourd’hui Chantiers de l’Atlantique) et du Grand Port Maritime du Havre (GPMH), tous deux liés à MSC.
Aucun contrôle judiciaire n'a été ordonné à leur encontre, a indiqué le PNF en réponse à l'AFP.
L'APE est en charge des "intérêts patrimoniaux" de la puissance publique : elle incarne et exerce les missions de l'Etat actionnaire et est chargée de gérer son portefeuille de participations dans différentes structures.
Devant les magistrats, le secrétaire général de l’Elysée a indiqué lors d'un interrogatoire dévoilé par l'AFP n’avoir "jamais considéré être en situation de conflit d’intérêts".
Mais il a expliqué aussi n’avoir participé à aucune décision concernant le groupe, à l’époque STX-GPMH; avoir averti sa hiérarchie de ses liens familiaux; avoir demandé à quitter son mandat d’administrateur de STX ; et avoir exprimé dans ses votes en conseil d’administration la position de l’Etat plutôt que la sienne.
Bruno Bézard, qui aura 60 ans le 13 mai, ancien major de l'ENA et polytechnicien, a passé 28 ans à Bercy jusqu'au poste le plus prestigieux, celui de directeur général du Trésor, auquel il a été nommé sous le quinquennat Hollande.
Il a vu passer une dizaine de ministres. Il a quitté le poste et la fonction publique au printemps 2016, pour créer un fonds d'investissements entre l'Europe et la Chine.
Jean-Dominique Comolli a lui travaillé dans le passé dans les cabinets des socialistes Laurent Fabius et Michel Charasse, et aussi dans l'industrie du tabac.
Il avait indiqué en audition ceci à son sujet et au sujet de M. Bézard : "Au final, c'est surtout (nous-même) qui devrions être poursuivis, puisque c'est nous qui avons imposé (à M. Kohler) de rester" administrateur de STX. "Finalement, (le secrétaire général de l'Elysée) avait plus conscience du problème que nous".
Me Jean-Baptiste Soufron, avocat d'Anticor partie civile dans cette affaire, a indiqué à l'AFP, qui l'a sollicité, que c'est "une bonne chose que l'enquête avance notamment sur ce point puisque M. Kohler a régulièrement et publiquement déclaré qu'il avait prévenu ses supérieurs."
"Dès lors la question qui se pose est de savoir s'ils ont ensemble organisé son déport ou s'ils ont simplement couvert, auquel cas cela pourrait faire d'eux les complices d'une infraction", d'après lui.
"La même question va d'ailleurs se poser pour toutes les personnes qui prétendent avoir été au courant", a-t-il ajouté auprès de l'AFP.