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Au Pakistan, les plus pauvres paient au prix fort les difficultés économiques

Chaque jour, matin et soir, Nadia, 16 ans, effectue à pied l'heure de trajet entre sa maison et celle de son employeur, s'arrêtant fréquemment en chemin dans les rues encombrées de Lahore au Pakistan pour que sa mère puisse reposer ses jambes fatiguées.

Nadia a été forcée d'abandonner l'école l'an passé, bien avant la fin de ses études, et de prendre un emploi de femme de ménage, comme sa mère, pour aider à subvenir aux besoins de sa famille.

"C'est ma fille, mais nous n'avions pas d'autre choix", dit le père, Muhammad Amin, un agent de sécurité qui gagne 18.000 roupies (64 euros) par mois. "Ce qui se passe ensuite dépend de Dieu."

Les deux femmes marchent ensemble pour rejoindre leurs lieux de travail proches afin d'économiser sur les coûts de transport, un choix courant au Pakistan où des millions de familles ressentent durement les effets de la crise économique.

Le pays est au bord de la banqueroute, après des années de mauvaise gestion financière et d'instabilité politique. Ces faiblesses structurelles ont été exacerbées par la crise énergétique mondiale et les inondations dévastatrices de l'été dernier.

Pris dans une spirale d'endettement dont il ne parvient pas à s'extraire, le Pakistan est proche du défaut de paiement. Il a introduit des mesures d'austérité en espérant convaincre le Fonds monétaire international (FMI) de verser une nouvelle tranche d'un prêt de 6,5 milliards de dollars.

Cette semaine, le gouvernement a augmenté une taxe sur des produits importés de luxe et des services, disant vouloir faire porter l'effort sur les plus riches.

Mais il a aussi coupé les subventions sur l'essence et augmenté une taxe générale sur les produits et services, deux mesures qui affecteront les ménages à faibles revenus.

"Nous n'arrivons pas à joindre les deux bouts, car il faut payer le gaz, l'électricité et les dépenses du foyer. Alors comment pourrions-nous mettre Nadia à l'école?", plaide Miraj, l'épouse de Muhammad.

- Retard scolaire -

Au Pakistan, constamment placé en queue des classements mondiaux pour la parité hommes-femmes, les filles sont traditionnellement considérées comme une charge financière, en raison de la dot que doivent verser les parents d'une mariée.

Muhammad a investi dans l'éducation de ses six filles, en les envoyant dans une école privée bon marché plutôt qu'à l'école publique gratuite, avec l'espoir qu'elles sortiraient la famille du cycle sans fin de la misère.

Leur destin a basculé en 2015 quand Muhammad, qui gagnait alors un salaire correct d'ouvrier, a été blessé dans un accident de la route et contraint à trouver un emploi moins pénible mais aussi moins bien rémunéré.

Il s'est résolu à laisser son épouse travailler. Mais avec la hausse en flèche de l'inflation, leur situation ne s'est pas améliorée.

"Nous avons dû forcer Nadia à arrêter" à la fin de l'école primaire, dit-il, la voix remplie d'émotion.

Aînée de la famille, la jeune fille était souvent chargée de s'occuper de ses sœurs, ce qui lui laissait peu de temps pour ses devoirs. Elle a ainsi accumulé beaucoup de retard scolaire, chose là aussi courante au Pakistan.

L'employeur de Miraj paie les frais de scolarité des jeunes sœurs de Nadia. Mais la plus âgée de ses cadettes, 13 ans, pourrait malgré tout bientôt être elle aussi contrainte à quitter l'école.

Après avoir préparé le repas pour la famille puis nettoyé, Nadia s'écroule de fatigue sur le sol de leur modeste maison de deux pièces, louée, pendant que ses sœurs s'affairent à leurs devoirs.

- "Cela ronge une mère" -

"Nous ne parvenons pas à nous en sortir. C'est pour ça que je donne tout le salaire que je gagne à ma mère", confie Nadia, qui espère qu'en venant en aide à ses parents, elle offrira à ses sœurs un avenir plus souriant.

Le président pakistanais, Arif Alvi, a indiqué mercredi que la moitié des enfants pakistanais âgés de 5 à 16 ans couraient le risque de devoir commencer à travailler ou mendier.

Plus de 20% des quelque 220 millions de Pakistanais vivent en dessous du seuil national de pauvreté, selon la Banque asiatique de développement et le FMI, et l'inflation proche des 30% ne fait qu'aggraver la situation.

Les écarts de richesse sont immenses et la fraude fiscale est allégrement pratiquée par les plus riches. Les recettes fiscales ne dépassent ainsi pas les 9% du PIB, contre une moyenne de 20% en Asie.

La famille de Nadia doit se contenter de deux repas quotidiens. Elle a cessé d'acheter du lait et considère la viande comme un produit trop luxueux et inabordable.

"Nous n'achetons pas de farine pour la maison, mais nous faisons en sorte d'acheter les livres d'école des enfants (...) et d'autres choses comme les uniformes", raconte Miraj.

Selon les statistiques de la Banque mondiale et du FMI, la famille n'est pourtant pas classée parmi les plus démunies, mais la vie reste une lutte permanente.

Même si le pays parvient à conclure un accord avec le FMI et obtient ensuite l'aide de nations amies, il faudra au mieux des mois pour que l'économie se stabilise.

Avoir compromis l'avenir de sa fille plonge Miraj dans le désespoir. "Cela ronge une mère à l'intérieur", glisse-t-elle, en pleurs.

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