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Au Venezuela, la baisse inquiétante de la consommation

Sans se faire trop d'illusions, Deniris Camacho, 60 ans, attend son premier client de la journée dans sa boutique de vêtements de Caracas. Ces derniers mois, ses ventes sont médiocres dans un Venezuela qui peine à se remettre d'une décennie en crise, avec une consommation à nouveau baisse après une période croissance.

"Petit à petit. Chaque jour un peu moins" de ventes, explique-t-elle devant son stand au marché du centre-ville où elle travaille depuis plus de 30 ans. En 2022, elle se réjouissait pourtant d'une reprise économique de 15% dans le pays. Mais depuis décembre, c'est une lente érosion.

La baisse des ventes est à "deux chiffres" dans le commerce et les services, selon le Conseil national du secteur (Consecomercios), qui a réalisé ses propres statistiques en absence de données officielles.

Les ventes "ou personnes servies" ont diminué de 21% dans la capitale et la région centrale au cours des 5 premiers mois de l'année par rapport à 2022. Dans l'Est et l'Ouest, la contraction est respectivement de 44% et 34%.

Pendant la "timide récupération" économique, les commerçants "se sont aventurés à se réapprovisionner" mais maintenant ils ne "bougent plus", explique la présidente de Consecomercios, Tiziana Polesel.

L'entreprise Datanalisis estime la baisse de la consommation à 6%, tout en signalant une perte de confiance des consommateurs de 23%.

"Il y avait de la croissance et l'espoir que ça continue", explique à l'AFP Luis Vicente Leon, directeur de Datanalisis. La hausse a été "surestimée", dit-il soulignant qu'il y a maintenant une "surestimation de la baisse".

Conséquence: Mme Camacho a beau mettre certains articles en soldes, sa marchandise lui reste sur les bras. Elle ne dépasse pas les 10 ventes par mois contre une trentaine en moyenne l'année dernière.

Après une crise profonde a qui a vu le PIB se comprimer de 80% entre 2013 et 2021 et 7 millions de personnes quitter le pays, les effets du rebond économique de 2022 se sont surtout fait sentir dans les zones urbaines comme Caracas, où de nouveaux établissements (restaurants, magasins) ont ouvert.

Certains ont déjà fermé, tandis que d'autres ont dû revoir leur stratégie en raison de la faiblesse de la demande. Ainsi, selon les analystes, les timides signes de reprise économique en 2022 commencent à être éclipsés par de nouveaux signes de crise.

"Il n'y a pas de politiques économiques qui conduisent à une croissance soutenue, l'effet rebond que nous avons vu l'année dernière était lié aux prix du pétrole", explique l'économiste Pilar Navarro, d'EMFI Securities.

- Sauvés par Chevron ? -

L'économie a connu un ralentissement depuis la fin de l'année dernière. Cela coïncide avec l'éclatement du scandale de corruption qui secoué la compagnie pétrolière publique géante PDVSA. Près de 3 milliards de dollars ont disparu, selon des rapports de presse.

Cette situation a affecté les liquidités monétaires et les flux de trésorerie du gouvernement, déstabilisant davantage le taux de change dans un pays de facto dollarisé.

L'inflation qui a été un moment sous contrôle a également repris, affectant directement le pouvoir d'achat des consommateurs. Avec 436% d'inflation (en glissement annuel jusqu'en mai), "il est difficile pour tout salarié de maintenir son pouvoir d'achat", souligne le professeur et ancien chef des changes de Banco de Venezuela, Hermes Pérez.

Les coupures d'électricité et les pénuries de carburant et de gaz sont réapparues, en particulier à l'intérieur du pays.

Mais l'économie ne s'est pas effondrée, nuancent certains experts, grâce notamment aux rentrées obtenues par l'exploitation de la compagnie pétrolière américaine Chevron, autorisée par les Etats-Unis à travailler de manière limitée malgré les sanctions américaines.

"La raison pour laquelle vous n'avez pas vu de macro-dévaluation entre mars et mai est qu'il y a des dollars sur le marché, sinon le dollar aurait grimpé en flèche. Et d'où viennent ces dollars ? De Chevron, il n'y a pas d'autre source pour le moment", analyse Vicente Leon.

Hermes Pérez estime que le marché reçoit environ 100 millions de dollars par mois de Chevron.

Un montant qui peut paraitre faible par rapport aux recettes pétrolières historiques du Venezuela, qui a déjà produit plus de 3 millions de barils par jour contre 800.000 aujourd'hui.

Mais "c'est assez important" alors que le pays est asphyxiée économiquement, dit-il.

Deniris Camacho et d'autres commerçants, eux, attendent. "Nous sommes toujours là", dit Marielba Clavo, qui vend des légumes depuis 33 ans. "J'aimerais que les choses s'améliorent, mais... je suis reconnaissante de ce que nous avons".

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