Partager:
Elisabeth Borne a engagé mercredi sa responsabilité pour la quatrième fois en deux semaines sur un texte budgétaire à l'Assemblée nationale, face à des oppositions fustigeant le "mépris" et un "déni démocratique" de l'exécutif.
Les députés LFI ont immédiatement riposté par l'annonce d'une nouvelle motion de censure, mais sans ses alliés de la Nupes (PS, EELV, PCF) qui craignent de "banaliser" cette arme. Tandis que le groupe RN a décidé de faire durer le suspense jusqu'à jeudi.
"Puisque les conditions d'un dialogue constructif ne sont plus réunies (...), nous devons réagir", a justifié la Première ministre dans l'hémicycle, déserté avant qu'elle ne prenne la parole par les députés Insoumis tandis que ceux du camp présidentiel l'accueillaient debout.
Son nouveau recours à l'article 49.3 de la Constitution, dont l'ombre planait depuis plusieurs jours, met fin aux débats sur la partie "dépenses" du projet de budget de l'Etat pour 2023, loin d'être arrivés à leur terme avec seulement cinq chapitres débattus sur plus de 30.
Parmi les crédits qui restaient à examiner figuraient ceux des collectivités locales. Ils promettaient un débat explosif dans l'hémicycle, et le gouvernement, privé de majorité absolue, risquait de s'exposer à de nouvelles déconvenues lors des votes.
"Nous aurions gagné des millions, voire des milliards" au profit de communes "étranglées aujourd'hui par les prix de l'énergie, les baisses de dotation", a déploré la patronne des députés LFI Mathilde Panot.
- "Autoritaire" -
Le projet de loi de finances (PLF) pour 2023 sera considéré comme adopté sans vote en première lecture par l'Assemblée, sauf si une motion de censure est adoptée dans les prochains jours, hypothèse hautement improbable. Le texte passera ensuite au Sénat.
La première partie du PLF et le projet de budget de la Sécu ont déjà été adoptés à l'Assemblée via la même méthode décriée.
Et les motions de censure dégainées pour y répliquer ont toutes échoué, même celles votées conjointement par RN et Nupes, faute de soutien des députés LR.
Le scénario devrait se répéter une quatrième fois, entouré des mêmes questions autour de la motion LFI, dans laquelle sont dénoncés "le mépris du pouvoir pour le travail parlementaire" et une "utilisation de plus en plus autoritaire des mécanismes de la Ve République".
Cette motion aura-t-elle une nouvelle fois le soutien du RN, ce que le camp présidentiel avait critiqué comme une "collusion" avec l'extrême droite? Marine Le Pen a estimé mercredi que Mme Borne manifestait "toujours le même déni démocratique", sans dévoiler ses intentions.
Au sein de la Nupes, le soutien s'érodera-t-il encore? Lundi, 22 voix des alliés de gauche avaient fait défaut lors du vote de la motion LFI sur le budget de la Sécu,une "aberration", selon l'ancien candidat LFI à la présidentielle Jean-Luc Melenchon.
Ce nouveau recours au 49.3 remet également sur la table la question des amendements que le gouvernement retient ou écarte dans le texte soumis à la procédure.
La Première ministre a assuré qu'elle ne rayerait pas tout d'un trait de plume, mais reprendrait par exemple certains amendements "adoptés lors de l'examen des crédits de la mission outre-mer".
- "Alliés une nouvelle fois" -
Elle a aussi cité "7 milliards d’euros supplémentaires pour la protection des entreprises et des collectivités face à la hausse des prix de l’énergie" ou encore "la revalorisation des salaires" des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH).
Mais pas de trace des amendements écologistes et du PS, qui avaient rajouté près de 12 milliards d'euros à la rénovation thermique des logements, avec le soutien du RN.
Vêtus de gilets orange et entourés d'un important dispositif policier, des militants écologistes avaient bloqué la circulation mercredi devant l'Assemblée pour demander de conserver ces mesures.
Mais "avec 15 milliards d'euros de dépenses nouvelles, ponctionnées sur des programmes essentiels, vous avez profondément bouleversé la cohérence et les équilibres du texte", a dit Mme Borne, pointant un RN et une Nupes "alliés une nouvelle fois" autour de ces mesures onéreuses.
Ces amendements auraient eu selon elle pour conséquence d'"abolir", en le privant de financement, le "bouclier tarifaire", mesure phare du PLF devant limiter à 15% les hausses des prix réglementés du gaz et de l'électricité.
"Des éléments de langage pour nous faire passer pour des irresponsables", a rétorqué la députée écologiste Sabrina Sebaihi.
"Ceux qui nous survivront se débrouilleront avec le climat", a taclé de son côté le patron du PS, Olivier Faure.