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Le plus gros méthaniseur de France est entré en fonction : à Mourenx (Pyrénées-Atlantiques), le nouveau site de TotalEnergies, BioBéarn, a produit ses premiers mètres cubes de biogaz en janvier et devrait assurer, à terme, l'alimentation annuelle de 30.000 foyers.
Dans cette ville du bassin de Lacq qui fut pendant 60 ans, au pied des Pyrénées, le plus grand gisement de gaz naturel exploité en France, le site industriel mise désormais sur les énergies renouvelables.
À plein régime, BioBéarn produira annuellement 160 GWh de gaz dit "vert", soit l'équivalent de la consommation annuelle de 32.000 foyers. Ce nouveau méthaniseur, le huitième du groupe en France, a nécessité un investissement de 50 millions d'euros.
En 2023, année de démarrage, "on fera la moitié de la capacité du site avant de le faire monter en puissance", explique Olivier Guerrini, responsable du secteur biogaz pour le géant français de l'énergie.
Le méthaniseur recevra à terme 220.000 tonnes de déchets organiques, soit "60 camions par jour", souligne Omar Boufares, directeur du site béarnais, et générera en retour 200.000 tonnes de produit fertilisant pour l'agriculture.
- Digestat -
Sur son unité de trois hectares goudronnés, BioBéarn récupère en grande majorité des déchets issus de l'agriculture, d'origine animale ou végétale, mais aussi des boues de stations d'épuration ou des biodéchets ménagers.
La matière première, essentiellement du lisier ou des résidus de maïs doux - le "broyat" -, est d'abord chauffée à 70 degrés pendant une heure, "pour en enlever tous les éléments pathogènes comme l'influenza aviaire ou d'autres virus", explique Matthieu Patalano, responsable d'exploitation.
Ainsi "hygiénisée", la matière est ensuite transférée dans des digesteurs qui, pendant une quarantaine de jours, vont la brasser et la chauffer à environ 40 degrés. Le biogaz produit à ce moment-là est récupéré via un "pipe", épuré pour être adapté à l'usage domestique, et injecté sous la forme de biométhane dans le réseau.
En parallèle, les digesteurs produisent également du "digestat", produit fertilisant réutilisé en bout de chaîne par 161 agriculteurs dans un rayon de 50 kilomètres, qui l'épandent sur leurs champs, explique Christian Matheu, responsable méthane du groupe coopératif agricole et agroalimentaire Euralis.
Une façon de réduire l'usage d'engrais chimiques, explique Mélissa Coton, agricultrice dans la commune voisine de Pardies. Récemment engagée dans l'emploi de digestat, elle espère aussi réduire de plus de 100 euros le coût de revient, à l'hectare, de sa production céréalière qui s'étend sur 200 ha.
- Opposition -
L'année 2022 "a été très difficile pour les agriculteurs avec la hausse drastique des prix des engrais fossiles et la pénurie", souligne Olivier Guerrini.
L'annonce de l'implantation d'un méthaniseur à Mourenx a cependant suscité une opposition chez les riverains de la zone industrielle, à l'origine d'une pétition qui a recueilli environ 700 signatures en 2020. Nuisances sonores et odeurs les inquiètent.
Le responsable biogaz de TotalEnergies assure que "l'acceptabilité" du projet a été étudiée : "On a des seuils à respecter, donc on essaie de s'implanter dans des zones où il y a déjà beaucoup de camions."
Une unité de traitement, d'un coût de 500.000 euros, doit aussi éliminer les odeurs. "En France, on a un vécu historique avec des petits méthaniseurs agricoles dans les fermes, où tout se faisait à l'air libre et où les odeurs se répandaient, mais l'industrialisation du procédé nous permet désormais de l'éviter", veut rassurer Olivier Guerrini.
De 2021 à 2022, la quantité de biogaz injecté dans les tuyaux en France a plus que doublé, passant de 4,3 TWh à 10 TWh ; la filière vise une production de 25 TWh de gaz renouvelables en 2025 et de 80 TWh en 2030. Plus de 500 méthaniseurs sont maintenant raccordés sur le territoire.
"Le gaz naturel aujourd'hui en France, c'est 25% de l'énergie que l'on consomme et on peut en verdir une très grande partie avec le biométhane", résume Olivier Guerrini.