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En Corrèze, bataille autour de l'extension d'une scierie

En Corrèze, une scierie industrielle déjà vaste veut s'étendre sur 12 hectares pour doubler sa production, mais des riverains s'opposent à leur expropriation, tandis que le projet confronte enjeux écologiques de la filière bois et préservation de l'environnement.

"Avant, j'étais tranquille car il n'y avait que des prés et des vaches. Maintenant, il y a un monstre. Et l'argent ne m'intéresse pas, je veux rester dans ma maison", affirme Jacqueline Monjanel, une octogénaire qui habite la commune de Moustier-Ventadour depuis 1974.

La scierie de la famille Farges s'est installée dans la ville limitrophe d'Egletons, près de la maison de Mme Monjanel, trois ans plus tard. En 2004, le site comptait 35 employés, pour un volume de sciage de 25.000 mètres cubes, quand il a été racheté par le groupe vendéen Piveteau.

Le nouveau propriétaire des lieux a beaucoup investi depuis, l'usine salariant aujourd'hui 230 personnes et sa production atteignant 150.000 m3 par an. Un volume que Piveteau veut encore multiplier par deux en se développant en particulier dans le CLT, ou bois lamellé-croisé, un produit technique très prisé dans la construction d'immeubles de grande hauteur.

Cette croissance passe par une extension de la scierie sur douze hectares et l'investissement de plus de 100 millions d'euros, avec une cinquantaine d'emplois créés à la clé selon Damien Larue, directeur du site.

"Ceci nous permettra de répondre à une hausse de la demande et à une volonté de l'État de construire plus de bâtiments en bois pour réduire l'empreinte carbone, mais aussi les importations. Nous voulons être prêts dans trois ans", affirme le responsable.

Le chantier ne peut pas débuter cependant car des recours ont été engagés contre les expropriations nécessaires, parallèlement à des oppositions politiques.

- Compensations -

Les élus écologistes de la région Nouvelle-Aquitaine ont dénoncé, dans un communiqué publié fin novembre, "les multiples impacts environnementaux et sociaux dramatiques" imputés au projet.

En détaillant leurs griefs : "déforestation à outrance, disparition de la biodiversité, pollution de l'eau, accaparement de terres agricoles, expulsion d'habitants et agriculteurs, nuisances sonores" et "problèmes de circulation routière", avec une hausse du trafic des camions.

"Il y a un système de compensations encadré par l'État", rétorque M. Larue, qui estime "plus respectueux de l'environnement" de développer la scierie et la filière bois à destination du BTP, "que de faire grossir des centrales à béton qui émettent plus de carbone".

Le 1er décembre, 200 personnes ont manifesté à Egletons à l'appel d'une association, Associtra, qui défend les riverains et agriculteurs menacés d'expropriation.

À l'instar de Marie-Thérèse Touquet, éleveuse de vaches Limousine qui pourrait perdre un hectare de champs sur un total de soixante. "Ça commence comme ça, puis ils vont en demander d'autres. Je crains que mon fils ait du mal à continuer après moi", dit-elle.

Fabrice Sznajder, éleveur de chèvres et locataire de six hectares menacés d'expropriation, évoque "des terrains de fauche qui sont très précieux pour l'alimentation" de son troupeau et refuse d'aller exploiter des parcelles "à l'autre bout de la Corrèze".

Des recours ont été déposés contre le plan local d'urbanisme intercommunal. Dans lequel l'extension de la scierie "s'inscrit parfaitement", estime Charles Ferré, président de la communauté de communes, favorable au projet. Selon lui, des "offres conséquentes" d'indemnisation ont été faites aux propriétaires des terrains concernés "mais ils ont refusé, alors il y a eu la déclaration d'utilité publique".

La DUP est aussi attaquée en justice. "Cette histoire est partie pour durer. Nous allons continuer à faire tourner les pétitions et organiser d'autres mobilisations en lien avec le calendrier juridique", prévient Frédérique Vergne, présidente d'Associtra.

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