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Gabriel Fortin, "tueur de DRH" imperméable et "paranoïaque"

"Paranoïaque", "discret", "imprévisible": les proches de Gabriel Fortin tentaient mercredi devant la cour d'assises de la Drôme d'esquisser la personnalité de l'ancien ingénieur au chômage, accusé d'avoir tué une cadre de Pôle Emploi et deux anciens DRH qui l'avaient licencié lors d'un périple sanglant en janvier 2021.

Muet pendant l'enquête, l'accusé de 48 ans n'a pas fendu l'armure lundi au début de son procès.

Hermétique aux appels de sa mère à s'expliquer, il s'est campé en "victime" d'un système, évoquant les "mensonges" de l'enquête et accusant élus et magistrats d'être "responsables de (s)a situation" en ayant esquivé ses multiples requêtes pour contester des licenciements survenus en 2006 et 2009.

Francine, sa mère de 78 ans dont il était proche, n'a pu expliquer le geste de son fils ni les raisons de son basculement dans la violence. Elle a décrit à la barre un enfant "attentionné", "distrait", "un peu imprévisible" qui a grandi sans son père, reparti au Gabon.

Asthmatique, le jeune Gabriel fait tout de même un peu de judo, un peu de rugby, avant d'être dispensé de sport après un problème au genou.

"Fusionnel" avec sa mère selon une amie de la famille, il vit avec elle jusqu'à son départ pour ses études d'ingénieur à Metz.

De son parcours professionnel, on sait que ce diplômé en métallurgie a travaillé en Allemagne entre janvier 2001 et février 2003 - probablement la période où il a été le plus "heureux" selon sa mère - avant d'être licencié au moment d'une délocalisation.

Il a ensuite passé quelques mois dans une entreprise de Sully-sur-Loire puis dans un bureau d'études de Francel (aujourd'hui Emerson) à Gallardon, en Eure-et-Loir, à partir d'octobre 2005. Il sera renvoyé pour faute en août 2006.

Gabriel Fortin est ensuite passé par Compiègne (Oise) puis, en juillet 2008, il a été embauché par Faun Environnement jusqu'à un nouveau licenciement fin 2009.

- "Il ruminait" -

Tous les témoins interrogés assurent n'avoir rien vu venir. "Il était spontané mais pas violent", a assuré Jacques F., copain d'école d'ingénieur. Personne n'était d'ailleurs au courant du fait que Gabriel Fortin pratiquait le tir sportif.

Concernant la vie sentimentale de ce passionné d'aviation et de parapente, c'est le néant: aucun proche ne lui a connu de relation.

Edith D., une amie de la famille, décrit une fratrie aux personnalités opposées. "Olivier était très sociable, bien dans sa peau, il a eu beaucoup de réussite dans sa vie professionnelle et sentimentale. Ce n'est pas le cas de Gabriel."

"Je n'avais jamais de réponses quand je lui posais des questions sur sa vie privée", a témoigné Christophe S., un ami d'enfance qui correspondait épisodiquement avec lui.

"De sa vie affective et sentimentale je ne savais rien", a souligné son frère Olivier, dont les rapports avec l'accusé sont largement distendus depuis plusieurs années.

De l'avis général, Gabriel Fortin vivait très mal ses licenciements. Trois des quatre personnes visées par Gabriel Fortin y avaient été associées. La quatrième victime travaillait dans une agence Pôle emploi de Valence qu'il avait fréquentée après son dernier renvoi.

"Il ruminait et avait des pensées paranoïaques, Pôle emploi lui avait proposé un boulot de manutentionnaire, il l'avait très mal pris", raconte Michel T., son instructeur de club de vol à voile.

A l'époque de son dernier licenciement, "on sentait qu'il allait beaucoup moins bien, il était fuyant", poursuit celui qui décrit également l'accusé comme "convivial, sympathique et intelligent", mais très secret.

Sa tante Magali rapporte que sa mère se plaignait à cette époque que son fils "se complaisait dans le chômage", le qualifiant d'"un peu feignant".

L'intéressée a concédé voir dans le chômage "un échec". Lorsqu'elle a vu son fils pour la dernière fois, environ 15 jours avant le drame, elle l'a trouvé "pas bien". "J'ai essayé de le questionner, qu'est-ce qui ne va pas? Il n'a pas répondu".

"Il est parti en sanglotant c'est vrai, j'ai essayé de le rattraper, je ne l'ai pas retrouvé", a-t-elle poursuivi. Dans le box des accusés, Gabriel Fortin est resté imperturbable.

"Sa personnalité telle que je la percevais, un peu en retrait, n'était peut-être pas adaptée" au métier d'ingénieur, mais "je ne pensais pas que c'était un psychopathe à ce point", avance son frère Olivier.

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