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Le tribunal de commerce de Grenoble a désigné la coopérative française Intersport pour le rachat du groupe en difficulté Go Sport, au grand soulagement de ses salariés qui redoutaient de finir en liquidation "comme Camaïeu".
"Au regard du critère de la pérennité, l'offre d'Intersport France est plus sécurisante", note le jugement du tribunal, rendu vendredi en délibéré après de longues semaines de suspense.
Le tribunal a ainsi suivi "l'avis unanime du parquet, des créanciers et des salariés", souligne le procureur adjoint François Touret de Coucy dans un communiqué.
Intersport s'engage à reprendre "72 magasins correspondant à 90% des emplois", pour un prix de 35 millions d'euros, contre 10 millions proposés par son rival, le groupe britannique Frasers-Sports Direct, selon ce communiqué.
"C'est un projet fantastique pour le groupe Intersport. On mesure quand même la tâche, c'est lourd de reprendre dans ces conditions une entreprise dans un moment comme celui-là", a déclaré aux journalistes son PDG Jacky Rihouet. Il a toutefois averti qu'il faudra "un effort collectif intense pour remettre le vaisseau droit".
Dans une déclaration transmise à l'AFP, Frasers Group a pour sa part affirmé qu'il "regrette cette décision" du tribunal. "Le groupe a voulu être transparent sur les difficultés liées à la transformation de Go Sport et reste convaincu que son offre était réaliste et transparente pour toutes les parties prenantes", a-t-il ajouté.
De son côté, Christophe Lavalle, délégué Force ouvrière et membre du CSE de Go Sport, se félicite "d'avoir échappé aux griffes d'un actionnaire incompétent et malfaisant, HPB (Hermione, People & Brands)", et de "pouvoir sauver 90% des emplois de Go Sport au profit d'une société française en plein développement".
Actuellement deuxième acteur de la distribution d'articles de sports en France, Intersport est une "coopérative centenaire de près de 300 entrepreneurs français, exploitant plus de 800 magasins spécialisés" et "employant près de 18.000 personnes", selon le parquet.
Elle a présenté son offre en coentreprise avec une société qatarie, Al-Mana, selon le dossier consulté par l'AFP au greffe du tribunal de commerce.
De son côté, le ministre de l'Industrie Roland Lescure a salué une "bonne nouvelle" et promis que la priorité serait "d'accompagner les salariés qui ne seront pas repris".
Go Sport, en redressement judiciaire depuis janvier, compte quelque 2.150 emplois et Intersport a proposé d'en garder 1.631 (1.446 sur les 1.574 en magasins et 185 au siège), selon le dossier consulté par l'AFP.
- "Obstruction de procédure" -
Go Sport va ainsi quitter ainsi le giron de l'homme d'affaires bordelais Michel Ohayon, lui-même en pleine tourmente financière et judiciaire.
Sa société Hermione, People & Brands (HPB), qui avait acquis le distributeur d'articles sportifs en 2021 pour un euro symbolique, entendait initialement présenter un plan de redressement mais y avait finalement renoncé "avec regret" le 17 avril, faute de partenaire.
Le groupe a déclaré vendredi se réjouir d'une "issue favorable pour l'avenir de Go Sport et de ses salariés", tout en regrettant "de ne pas avoir été en mesure de présenter (son) plan de redressement en raison de l'obstruction de la procédure".
Mais l'empire de l'homme d'affaires apparaît aujourd'hui en pleine tourmente.
Après la liquidation d'une autre de ses sociétés, Camaïeu (2.600 salariés) en septembre, sa holding de tête, la Financière immobilière bordelaise (FIB) s'est déclarée en cessation de paiements et 25 magasins Galeries Lafayette ont été mis en procédure de sauvegarde. Quant à l'enseigne d'habillement Gap (350 salariés), elle aussi en redressement judiciaire, elle connaîtra son sort le 11 mai prochain - redressement ou cession.
La galaxie Ohayon fait en outre l'objet d'une enquête judiciaire au parquet de Paris pour "escroquerie en bande organisée, blanchiment habituel, banqueroute et abus de bien social", après "plusieurs révélations de faits délictueux" signalés par les commissaires aux comptes de Go Sport.
Les offres d'Intersport France et de Frasers étaient apparues dès le début comme les mieux placées.
Le représentant de Fraser-Sports Direct avait plusieurs fois indiqué lors de l'audience du 18 avril "d'une part qu'il ne pouvait apporter aucune garantie sur le maintien de l'emploi dans les 2 ans, et d'autre part que la marque Go Sport n'avait aucun avenir", peut-on lire dans le jugement.