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La votation dimanche "pour ou contre les trottinettes en libre-service" à Paris, une première du genre, est un pari risqué pour la maire Anne Hidalgo, qui a voulu ce scrutin, sans soulever l'enthousiasme.
Combien de Parisiens iront voter pour une consultation dont l'élue socialiste s'est engagée à suivre le résultat, alors qu'elle penche contre?
Sur 1,3 million d'électeurs inscrits, le taux de participation reste la grande inconnue, un dimanche de marathon dans les rues de la capitale et après un mois de mars marqué par les manifestations et l'amoncellement des poubelles non ramassées.
"Peu importe le nombre", a balayé Anne Hidalgo, interrogée par l'AFP. Les "outils de démocratie participative s'améliorent en les utilisant", fait-elle valoir en rappelant que le budget participatif, marqueur de son premier mandat, n'avait en 2014 attiré que 40.000 votants, contre 215.000 en 2022.
"Tout ce qui peut permettre la démocratie, le dialogue, la concertation, la consultation, vaut mieux que les blocages et les replis sur soi", soutient encore la maire.
Mais "avec l'actualité, les manifestations contre la réforme des retraites", une collaboratrice de l'Hôtel de Ville ne se fait "plus d'illusions sur le taux de participation".
Et avec 203 bureaux de vote rassemblés dans 21 sites, le coût de l'opération sera "probablement indécent rapporté au nombre de votants", prévient-elle.
La mairie indique que 1.270 agents seront sur le pont toute la journée. Le budget, "on le saura après", a dit Anne Hidalgo à l'AFP.
Dans sa majorité, le malaise est palpable: ses alliés communistes et écologistes n'ont pas caché leur peu d'enthousiasme vis-à-vis de son initiative, annoncée mi-janvier après un ultimatum aux opérateurs.
- Sujet "mineur" -
"On a d'autres sujets à explorer", a ainsi dit le communiste Nicolas Bonnet-Oulaldj, citant les locations sur la plateforme Airbnb, un sujet sur lequel Anne Hidalgo s'était engagée à organiser un référendum après les élections municipales de 2020.
Et alors que l'adjoint EELV aux mobilités, David Belliard, voulait chasser les 15.000 trottinettes sans protocole, il se retrouve à faire campagne "contre", tandis qu'une autre figure du parti, l'eurodéputée Karima Delli, a elle appelé à sauver les trottinettes.
Les consultations doivent "porter sur des sujets d'envergure" et non pas un sujet "mineur", tacle le maire LR du VIe arrondissement Jean-Pierre Lecoq, pour qui "l'exécutif parisien ne cherche qu'à faire valider par un vote une décision qu'il a déjà prise mais qu'il ne veut pas assumer seul."
D'où la position de l'opposition de droite de ne pas appeler au vote. "Plus l'abstention sera élevée, plus les Parisiens marqueront leur indifférence à l'égard de ce coup de com' d'Anne Hidalgo", assume le groupe LR et apparentés.
L'Insoumis Laurent Sorel milite lui pour l'interdiction mais anticipe une "farce" au vu de "l'organisation bâclée de cette consultation", avec "quelques affiches çà et là et de timides réunions d'informations".
- "Non-campagne" -
Pour l'unique opposant de gauche du conseil municipal, qui dénonce "une manœuvre politicienne" d'Anne Hidalgo, cette "non-campagne" sert d'abord Clément Beaune, qui "en profite pour faire exister le parti présidentiel dans la capitale".
Mercredi, le ministre des Transports, à qui l'on prête l'ambition de ravir la mairie en 2026, a en effet annoncé un plan destiné à réguler l'usage des trottinettes, regrettant au passage "qu'on ait caricaturé et simplifié ce débat".
"Il y a zéro information, les arguments n'ont pas pu s'exprimer, il n'y a qu'un bureau de vote par arrondissement. Je regrette que ce sujet soit binaire", a lancé le ministre, qui n'a "pas beaucoup de doutes sur l'issue de ce référendum".
Condamnés, les trois opérateurs à la jeune clientèle? Eux qui ont réclamé, en vain, le vote électronique pour ce scrutin soulignent que seulement 33% des 18-24 ans "ont déjà entendu parler de la votation", contre "77% des 50-64 ans et 90% des 65 ans et plus", selon un sondage Harris Interactive.
D'un autre côté, ils sont les seuls à s'être mobilisés réellement, y compris avec des méthodes contestées: course offerte dimanche pour aller voter, influenceurs payés sur les réseaux sociaux...
"Il y a déjà eu des surprises dans des élections", veut croire Erwann Le Page, directeur des affaires publiques de Tier, l'un des opérateurs.