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Emmanuel Macron a conclu mercredi sa visite marathon de trois jours à Marseille par un plan d'action très attendu pour lutter contre l'habitat insalubre et posé la question "sans tabou" d'éventuels besoins d'EPR pour développer le port de la 2e ville de France.
"Il faut pouvoir exproprier beaucoup plus facilement et de manière plus punitive les marchands de sommeil", a martelé le chef de l'Etat, entouré de dizaines d'habitants, au coeur de la copropriété dégradée de la cité "Benza".
Il a promis pour cela un changement de la loi, qui "protège trop" actuellement ceux "qui ne jouent pas le jeu". De fait, les marchands de sommeil rachètent pour une bouchée de pain des logements délabrés et les relouent au prix fort, le plus souvent sans payer de charges ni rien rénover.
"La copropriété dégradée, l'habitat insalubre" est "une de nos priorités", a insisté le président, venu lancer l'acte II de son plan "Marseille en grand". "C'est vraiment une cause nationale dont on se saisit", a-t-il relevé.
Avec 40.000 taudis et huit personnes mortes dans l'effondrement de deux immeubles insalubres du centre-ville en novembre 2018 rue d'Aubagne, Marseille est particulièrement touchée par la crise du logement.
Des dispositions seront prises dans la loi pour "accélérer les travaux d'urgence" et "pouvoir exproprier beaucoup plus facilement (...) les mauvais payeurs", a détaillé le président.
Cité "Benza", le chef de l'Etat s'est retrouvé au pied d'un ensemble de bâtiments rose délavé aux volets de fer fatigués, où vivent un millier d'habitants. Cette copropriété privée, qui accuse 1,3 million d'euros de dettes, est placée sous administration judiciaire depuis fin 2017.
Mahieddine Bouguessa, 24 ans, raconte vivre avec sa famille de six personnes dans un "très petit" T3 pour 680 euros/mois. "Ici les ascenseurs ne marchent pas depuis des années, les immeubles font neuf étages, le système dans les parties communes date des années 60", raconte-t-il à l'AFP.
Parmi les 13 copropriétés privées ciblées par "Marseille en grand", un plan de sauvetage exceptionnel va être lancé pour quatre d'entre elles extrêmement dégradées, via une requalification en opération d'intérêt national (ORCOD-IN).
- Marseille, annexe de l'Elysée ? -
Ce dispositif ORCOD-IN, lancé depuis 2017 en Ile-de-France, permet aux pouvoirs publics d'exproprier ou de racheter plus facilement pour détruire ou rénover, de financer des travaux dans les parties communes et de mieux prendre en charge les questions de sécurité.
Le président a conclu cette nouvelle visite de trois jours --la deuxième en moins de deux ans, un record dans son agenda-- au port de Marseille-Fos, un des plus grands du pays, désormais présidé par son ancien ministre de l'Intérieur et macroniste de la première heure, Christophe Castaner.
Alors que le maire de Marseille dénonce "un Etat dans l'Etat", Emmanuel Macron a appelé le port à "prendre un tournant", en étant "beaucoup plus ambitieux" pour s'ouvrir sur la ville comme vers le Rhône et la Saône et "jusqu'en Bavière", tout en développant ses activités industrielles.
Pour cela, il y a besoin d'énergie, l'équivalent de quatre EPR selon le président, qui a appelé à "regarder, en concertation, si l'ensemble de ce bassin économique est prêt à accueillir des tranches" nucléaires.
"C'est un terrain qui a une vocation en la matière, et notamment parce qu'on sait aussi qu'on a un immense sujet de refroidissement des centrales, et les centrales à venir auront vocation à être beaucoup plus près de la mer".
"Il faudra se poser cette question sans tabou", a-t-il insisté, tout en rappelant que "la loi ne prévoit pas aujourd'hui de développer des EPR hors des sites existant".
Idée aussitôt rejetée par le maire de Marseille Benoît Payan, à la tête d'une large alliance de la gauche et des écologistes: "On est en zone submersible, en zone sismique, s'il y a un endroit en France où on ne pourra pas faire un EPR, c'est à Marseille".
Mais sur le reste, Benoît Payan se félicite des annonces, sur la nécessité d'ouvrir le port, de changer sa gouvernance, et plus généralement, sur la rallonge de 250 millions pour les transports pour désenclaver les quartiers Nord et la lutte contre des marchands de sommeil qui "sont des métastases".
Emmanuel Macron reviendra d'ici la fin de l'année, pense le maire, qui lui proposera peut-être alors de "faire un petit bureau Élysée annexe à la mairie".