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"On voit des gens cagoulés qui se promènent. Les gens ont un peu peur". Depuis que des ballots de cocaïne se sont échoués sur la plage de Néville-sur-Mer (Manche), Odile Lezevielle, 66 ans, s'inquiète.
Sur la grande plage quasi vide, balayée vendredi par un vent glacé, trois personnes habillées en noir et entièrement cagoulées marchent au loin. Depuis quelques jours, l'endroit a vu s'échouer, au gré des marées mercredi, des ballots de cocaïne et attire des personnes guidées par l'appât du gain, ce qui suscite crainte et suspicion pour une partie des habitants du Cotentin.
Les rares promeneurs rencontrés par l'AFP se montrent peu rassurés. "Les gens ont un peu peur de ces gens-là. On ne sait pas qui ils sont", confie Mme Levezielle, retraitée.
Jacques Hébert, 75 ans, habitant de Réville, s'interroge aussi sur ce drôle d'arrivage. "En général on va à la pêche aux coques mais pas pour celle-là", explique-t-il en riant.
Alors que plus de deux tonnes de cocaïne emballées dans des ballots ont été découvertes dimanche et mercredi sur plusieurs plages de la région par les gendarmes, le procureur de Rennes Philippe Astruc qui dirige la Juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) en charge de l'affaire, a mis en garde contre toute tentation de "narcotourisme".
Si aucun nouvel arrivage n'a été signalé vendredi matin sur les plages du département, le magistrat en a profité pour rappeler les risques de poursuites pénales ou d'ingestion mortelle à tous ceux qui seraient tentés d'aller récupérer cette drogue.
"Ce qui est bizarre, c’est qu'ils (les sacs de cocaïne, ndlr) flottaient et qu'ils étaient parés pour ne pas couler. Est-ce que ce ne serait pas une livraison? Deux tonnes, c’est une quantité énorme, est-ce que c’est fini?", se demande Jacques Hébert.
En tout cas, "ça amène du monde", observe le septuagénaire, et la présence des forces de l'ordre rassure: "Les gendarmes sont là, ils voient des gens qui ont la cagoule et vont les voir."
- Le meilleur et le pire -
Camille Quenault, 19 ans, qui travaille dans la fonction hospitalière et qui se promène avec sa grand-mère et ses chiens, a aussi remarqué "qu'il y a de plus en plus de monde qui viennent voir ce qu'il se passe."
"C’est impressionnant. On a vu les hélicoptères arriver pour résoudre ce problème qui devient majeur en France", explique la jeune femme. "On a vu des motos. C’était ici avant-hier, à coté des blockhaus", que la marchandise a été retrouvée, témoigne-t-elle, emmitouflée pour résister au vent glacial.
Le maire de Réville Yves Asseline se souvient encore du texto qu'il a reçu dimanche de la gendarmerie.
"Ils avaient récupéré et entassé dans un fourgon une trentaine de sacs (…) qui faisaient 30 à 40 kg selon eux et qu'ils supposaient remplis de cocaïne. Ils ont estimé qu’il y en avait à peu près pour 800 kg. C’étaient des sacs avec des gilets de sauvetage", explique l'élu à l'AFP.
"Il en est passé des gens pour se procurer de la marchandise dès lundi", observe M. Asseline.
Si les "gendarmes ont fait beaucoup de surveillance, de patrouille. La population d’ici éprouve un grand sentiment de tristesse".
"Personnellement, je suis très triste car cette marchandise est la partie visible de l’iceberg. Cela veut dire que des quantités de drogues arrivent sur les côtes françaises ou européennes et inondent la population", dit-il.
"La mer a apporté le meilleur et le pire. En 1944 la mer a apporté la liberté: les hommes sont venus nous libérer par la mer et là aujourd’hui (ce sont) des symptômes d’une tendance à s’emprisonner dans des addictions", estime le maire.