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Jugé pour avoir menacé de faire exploser des bombes sur les voies ferrées si une rançon ne lui était pas versée, l'instigateur du "groupe AZF" a de nouveau justifié mercredi son action, qui avait semé l'inquiétude au sommet de l'Etat.
"Quelque chose qui atténue ma culpabilité c'est que l'intention était bonne", a affirmé à la barre Michel D., 76 ans, chef d'entreprise à la retraite qui comparaît devant le tribunal correctionnel de Paris, aux côtés d'une de ses ex-employées, pour association de malfaiteurs et fabrication et détention sans autorisation d'engins explosifs.
"C'est juste les moyens qui étaient mauvais", a estimé Michel D.
Mardi, à l'ouverture de son procès, l'ancien chef d'entreprise avait affirmé qu'il voulait seulement "faire peur".
Mais une des deux bombes découvertes le 21 février 2004 sur le ballast de la ligne Paris-Toulouse à hauteur de Folles (Haute-Vienne) était, selon les experts, "sophistiquée" et en état de fonctionner.
Une seconde bombe sera découverte fortuitement par un agent SNCF le 24 mars 2004 dans l'Aube, sur la voie Paris-Troyes-Bâle.
"J'avais un projet humaniste", s'est défendu Michel D. qui, dans le même temps, n'a pas hésité à soutenir que "les sentiments sont une erreur que les humains commettent". "Aimer, aimer, aimer... ça ne veut pas dire grand chose", estime-t-il.
Le septuagénaire se tait un moment et précise: "J'ai beaucoup travaillé sur moi-même. Maintenant j'aime les gens. Je me suis développé une empathie qui n'existait pas à l'époque".
L'affaire pour laquelle il est jugé avait éclaté fin 2003, quand un groupe inconnu dénommé "AZF" - du nom de l'usine dont l'explosion avait causé la mort de 31 personnes à Toulouse deux ans plus tôt - avait assuré avoir enfoui "une série de bombes" sous le ballast de voies ferrées et promettait de les faire exploser à défaut du versement par l'Etat d'une rançon de 4 à 8 millions d'euros.
Le "projet humaniste" de Michel D. était d'avoir les moyens de fabriquer "un moteur à eau".
- "Une femme en colère" -
Pour parvenir à ses fins, il avait recruté Perrine R., une de ses anciennes employées âgée aujourd'hui de 61 ans.
Michel D. a-t-il manipulé Perrine R. pour l'entraîner dans sa "folie", comme il l'a lui même qualifiée ? "On est tous manipulateurs à des degrés variables", balaie Michel D. "Je suis manipulateur mais pas plus qu'un autre", ajoute-t-il.
Perrine R. affirme de son côté qu'elle a agi en pleine conscience.
A l'époque des faits, "je pense que j'étais une femme en colère, que je n'étais pas bien", dit-elle.
"J'ai eu un rôle minime mais grave", reconnaît-elle.
Le récit de sa vie cabossée est bouleversant. Née de père inconnu, une enfance misérable, des relations toxiques, des addictions innombrables y compris à l'éther.
A propos de Michel D., elle dit: "On avait des convictions communes".
Etait-elle sous son emprise? Elle s'en défend catégoriquement. "C'est pas mon ressenti", dit-elle, refusant d'accabler son ancien supérieur hiérarchique.
Perrine R. a reconnu avoir posté les lettres de menaces - rédigées par Michel D. - envoyées au palais de l'Elysée et au ministère de l'Intérieur.
Entre décembre 2003 et mars 2004, neuf lettres signées "AZF", un sigle représentant, selon ses mots, un "groupe de pression à caractère terroriste secrètement créé au sein d'une confrérie laïque à spécificité éthique et politique" ont été adressées aux autorités.
Perrine R. a également téléphoné plusieurs fois à la police pour les demandes de rançon.
En revanche, elle n'a jamais participé à la fabrication des bombes.
"Tout ce dont je me souviens, c'est que les bombes ne devaient pas sauter", dit-elle.
Le procureur s'enquiert de ce qu'elle aurait fait de l'argent si le chantage avait réussi. "La plupart de l'argent aurait servi à financer le projet (de moteur à eau, NDLR). J'ai un métier (peintre en bâtiment), je n'ai pas plus besoin d'argent que n'importe qui", dit la femme, dont la fragilité est visible.
Les experts psychologues ont décrit "une personnalité altruiste".
"Qu'attendez-vous de ce procès ?", lui demande son avocat, Me Jean-François Morant. "J'attends qu'on en finisse", dit-elle, épuisée.
Le procès doit s'achever vendredi.