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Plombé par l'arrêt de la commercialisation de son eau Vittel en Allemagne, Nestlé Waters a annoncé mardi la suppression "d'ici la fin de l'année" de 171 postes sur son site des Vosges, soit un quart des 721 emplois, "une très mauvaise nouvelle pour le territoire", selon le maire de Vittel.
Le projet, annoncé mardi aux salariés, "est à la fois industriel, organisationnel et social" et vise à maintenir la compétitivité du site qui produit les eaux Vittel, Hépar et Contrex, a indiqué à l'AFP une porte-parole du groupe, gros pourvoyeur d'emplois localement mais régulièrement critiqué pour son impact sur les réserves en eau du secteur.
Cette réorganisation "conduirait à la reconfiguration de nos lignes de production" de l'usine de Vittel-Contrexéville, où travaillent actuellement 721 personnes, "avec un impact net de 171 suppressions d'emplois d'ici la fin de l'année", a-t-elle ajouté.
Avec ce plan social, les effectifs devraient tomber à 550, un niveau historiquement bas. Selon un ancien délégué syndical, 2.100 salariés travaillaient encore à l'usine en 2005. "Depuis, entre modernisation de la production et baisse des volumes produits, ça n'a pas arrêté de baisser", a-t-il affirmé.
- Retrait d'Allemagne -
Selon la porte-parole de Nestlé Waters, ce projet de réorganisation "est essentiellement motivé par la décision prise en 2022 d'arrêter la commercialisation de Vittel en Allemagne", après le non-renouvellement de ses contrats avec le distributeur Lidl, qui a entraîné "une diminution significative des volumes produits" dans les Vosges.
Autre difficulté à laquelle doit faire face le minéralier : "les conditions climatiques", qui affectent les conditions d'exploitation des eaux de certains forages, a-t-elle poursuivi.
Début mai, Nestlé Waters a ainsi annoncé, pour des raisons liées aux aléas climatiques, la suspension sine die de deux des six forages prélevant l'eau commercialisée sous la marque Hépar, connue pour sa teneur élevée en magnésium.
Cette suspension engendre une baisse de 60% de la production d'eau Hépar, selon un connaisseur de l'entreprise. Cela pourrait représenter un manque à gagner significatif pour le groupe, cette marque étant "deux à trois fois plus rentable" que les autres eaux produites localement, selon la même source.
Ajoutée à l'arrêt des ventes outre-Rhin, cette suspension a mécaniquement "amplifié un peu plus la baisse des volumes produits sur le site", a expliqué la porte-parole.
- "Minimiser l'impact" -
Cette annonce "est une très mauvaise nouvelle pour le territoire et pour Vittel au sens large du terme", a réagi auprès de l'AFP Franck Perry, le maire LR de Vittel, évoquant "un coup de canif (...) à l'attractivité de notre territoire".
Selon la Chambre de Commerce et d'Industrie (CCI) des Vosges, Nestlé Waters représente "près de 25% de l'emploi industriel du bassin de vie de l'ouest vosgien". "Le secteur de l'eau minérale, c'est 2,5 emplois indirects pour 1 emploi direct, donc cette annonce va avoir un impact énorme sur le tissu économique", a analysé Sylvain Jacobee, directeur général de la CCI.
"On est conscient de notre rôle majeur (...) dans la région. On va continuer à s'impliquer dans le tissu économique et social, en collaboration avec les autorités locales pour minimiser l'impact sur le bassin d'emploi", a indiqué l'entreprise, évoquant un "programme de revitalisation" dont elle n'a pas dans l'immédiat donné les détails.
Franck Perry a également pointé du doigt le rapport publiée en juillet 2021 de l'enquête parlementaire, présidée par la députée LFI Mathilde Panot, sur "la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences", qui évoque notamment l'activité d'embouteillage dans les Vosges.
"Une politique de sape", a-t-il considéré, qui s'est selon lui "répandue en Allemagne" et y a fait chuter les ventes d'eau Vittel.
Dans un communiqué, le Collectif Eau 88 a estimé que l'annonce de la multinationale était "la conséquence du maintien pendant 30 ans, avec le concours de l’Etat et des élus, d’une surexploitation inacceptable de la nappe profonde conduisant à son épuisement progressif", une pratique "condamnée aujourd'hui par de nombreux consommateurs".
Nestlé Waters puise une partie de sa ressource en eau dans la nappe des grès du Trias inférieur (GTI), classée en "mauvais état quantitatif", et pour laquelle la mise en place d'une politique de gestion est à l'étude depuis 2009.