Accueil Actu Monde Economie

Pénurie de médicaments: les tensions sur la pilule abortive inquiètent

De nombreuses pharmacies en France ne disposent plus dans leurs rayons d'une pilule abortive, dernière illustration en date des pénuries de médicaments qui frappent l'Hexagone, et qui portent cette fois sur un sujet particulièrement sensible pour le droit des femmes.

C'est l'Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament (OTMeds) qui a sonné l'alarme il y a déjà plusieurs semaines.

Dans plusieurs endroits, le misoprostol a été ou est encore difficile, voire impossible à trouver, par exemple à Lille début avril, à Versailles, à Issy-les-Moulineaux (Hauts-deSeine), a-t-il rapporté.

"Nous avons reçu récemment de nouveaux témoignages indiquant qu'il n'est pas disponible non plus en Occitanie ou dans certaines pharmacies parisiennes", a indiqué mardi à l'AFP Pauline Londeix, cofondatrice de cet observatoire.

L'interruption volontaire de grossesse (IVG) médicamenteuse consiste à prendre successivement deux médicaments: la mifépristone puis, 36 à 48 h après, le misoprostol, nécessaire à l'expulsion de l'embryon.

En France, deux spécialités à base de misoprostol sont autorisées dans les IVG médicamenteuses et commercialisées par le laboratoire Nordic Pharma, aux capitaux largement américains: Gymiso et Misoone.

L'agence du médicament (ANSM) a précisé mardi avoir été informée en fin d'année 2022 par ce laboratoire de retards de fabrication pour sa spécialité Gymiso.

"Ce retard a entraîné une perturbation de la couverture des besoins en Gymiso, estimée à hauteur de 20%, qui a conduit à un report d'utilisation vers Misoone auquel est venu s'ajouter un retard d'approvisionnement en matière première pour ce dernier", a-t-elle expliqué.

Dans ce contexte, l'agence souligne avoir mis en place un "contingentement" pour gérer au mieux les stocks disponibles, et une interdiction de vente et d'exportation de ces médicaments par les grossistes vers l'étranger dès lors que des risques de tensions étaient identifiés.

"Ces tensions sont en voie d'être résolues avec la distribution de plusieurs dizaines de milliers de boîtes de Gymiso la semaine dernière et de Misoone à partir de cette semaine", assure désormais l'ANSM. En parallèle, "afin de consolider" les approvisionnements, "une importation de la spécialité Misoone italienne est également en cours".

- "Droits des femmes" -

"C'est bien que l'Agence du médicament reconnaisse enfin qu'il y a eu un problème ces dernières semaines", a réagi Pauline Londeix, d'OTMeds.

"Mais on attend de voir si réellement les pénuries sur ce médicament vont cesser. C'est en tout cas l'exemple de trop qui prouve qu'une ultra concentration du marché peut mettre en péril notre sécurité sanitaire", a-t-elle ajouté.

Son organisation, marquée à gauche, appelle à une relocalisation massive de la production de médicaments en France, estimant que l'éclatement de celle-ci en plusieurs pays contribue aux problèmes d'approvisionnement.

Au cours des derniers mois, des tensions ont pesé sur les stocks de plusieurs médicaments. Cet hiver plusieurs antibiotiques, dont l'amoxicilline, étaient ainsi en rupture.

Début février, le ministre de la Santé François Braun avait promis un retour rapide à la normale et annoncé un plan visant à prévenir toute future crise.

Cette fois, la pénurie touche au sujet sensible de l'accès à l'avortement, alors même que ce droit est en train d'être remis en cause aux Etats-Unis.

En France, en raison des pénuries, "l'accès à l'avortement risque d'être fortement limité, portant une grave atteinte aux droits sexuels et reproductifs des femmes", a alerté mardi le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE), rappelant que 70% des IVG sont médicamenteuses.

"La situation américaine fait planer la menace d'une pénurie liée à la constitution de stocks par les Etats américains qui cherchent à pallier un éventuel arrêt de la production et/ou de la commercialisation de la mifépristone et du misoprostol", craint aussi le HCE.

Des figures politiques comme Sandrine Rousseau (EELV) ou Laurence Rossignol (PS) ont demandé au gouvernement d'agir en urgence pour "garantir ce droit des femmes".

La semaine dernière, le Planning familial s'était aussi ému de la situation, appelant à des mesures "pour que l'accès à l'IVG ne soit pas restreint".

À lire aussi

Sélectionné pour vous