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Ancien dirigeant emblématique du rival Canal+, spécialiste aguerri de la télévision et du streaming vidéo, Rodolphe Belmer arrive jeudi à la tête de TF1 avec la mission de faire entrer le groupe dans une nouvelle ère.
Sa tâche sera de "gérer (...) la réinvention de TF1 pour faire face aux plateformes" comme Netflix ou Amazon, avait indiqué à l'AFP une source proche du dossier fin septembre à l'annonce de son arrivée, après l'échec de la fusion entre TF1 et M6.
Une arrivée prévue en deux temps: M. Belmer, 53 ans, sera d'abord proposé comme directeur général lors d'un conseil d'administration jeudi, puis comme PDG à partir du 13 février 2023, pour remplacer Gilles Pélisson, en poste depuis 2016.
"Nous saurons (...) répondre aux multiples enjeux du nouveau monde des médias et ouvrir au groupe TF1 de nouvelles perspectives de développement et de croissance à l'ère" du numérique, avait assuré M. Belmer dans le communiqué de TF1.
Cet homme au look sage et aux petites lunettes rondes a l'avantage de parfaitement connaître l'univers du streaming vidéo. Il siégeait depuis 2018 au conseil d'administration de Netflix, poste dont il vient de démissionner en raison de sa prise de fonctions à TF1.
"Quand il parle des médias, il parle de façon enflammée, passionnée", explique à l'AFP Bertrand Meunier, président du conseil d'administration du groupe informatique Atos, dont M. Belmer a été directeur général jusqu'à juillet.
Selon lui, le futur patron de TF1 est "quelqu'un de très analytique, c'est sa plus grande qualité".
- Limogé sous Bolloré -
"Il a joué un rôle très important chez Atos, ajoute M. Meunier. On avait déjà eu des réflexions stratégiques mais il y avait une espèce de frein interne. Il a pu permettre de partir d'une feuille blanche, d'un regard extérieur, avec une approche analytique remarquable. Tous les scénarios, toutes les portes ont été ouvertes et fermées".
Il a dû laisser partir son directeur général au bout de six mois, après la définition d'un plan stratégique prévoyant la scission de l'entreprise.
Avant Atos, M. Belmer avait été directeur général de l'opérateur satellitaire Eutelsat Communications, de 2016 à 2021.
Mais c'est surtout à Canal+ que son nom reste attaché: il en a été le directeur général, c'est-à-dire le numéro 2, à partir de 2003, avant de devenir directeur général de l'ensemble du groupe en 2012.
Alors qu'il était cité comme possible successeur du numéro 1 de l'époque Bertrand Méheut, M. Belmer avait été limogé de Canal à l'été 2015. Cela avait été vu comme une reprise en main de la chaîne cryptée par le milliardaire Vincent Bolloré, propriétaire de Canal via le groupe Vivendi.
Sous l'impulsion de M. Belmer, Canal avait insisté sur les créations de séries originales et ambitieuses, dont "Les Revenants" ou "Engrenages".
Le dirigeant avait également mis l'accent sur l'identité historique de la chaîne, qui s'était un peu perdue, en installant notamment en 2004 l'émission en clair "Le grand journal" (d'abord présentée par Michel Denisot), très inspirée de l'émission culte "Nulle part ailleurs".
Au sein du groupe TF1, détenu par Bouygues, M. Belmer va d'ailleurs retrouver des figures du Canal+ pré-Bolloré: Yann Barthès, à la tête de "Quotidien" sur TMC après avoir longtemps présenté "Le petit journal" sur Canal, Alain Chabat, qui animera bientôt sur TF1 une émission de deuxième partie de soirée, ou, côté dirigeants, Ara Aprikian, directeur général adjoint des contenus.
Ironie du sort, son arrivée survient alors que Canal+ et TF1 se livrent une guerre sur le contrat de distribution des chaînes du second par le premier.