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Dans un sous-bois au sommet d'une colline dans la région de Zaporijjia, dans le sud de l'Ukraine, une tractopelle creuse une tranchée en zigzag, à moins de dix kilomètres des positions russes.
L'engin de chantier est civil mais il est manœuvré par un soldat de la 26e brigade ukrainienne, qui construit "des fortifications afin que des unités (...) puissent venir ici en position de défense", explique Iouri, 42 ans, un responsable de l'équipe de militaires excavateurs.
Deux kilomètres plus loin, sur les hauteurs d'un terrain vague, une dizaine de soldats munis de pelles terminent d'arranger d'autres lignes de tranchées fraîchement creusées.
Depuis que l'été dernier la contre-offensive s'est brisée sur le réseau russe de tranchées et de champs de mines, les forces ukrainiennes sont passées en mode défensif pour empêcher toute percée adverse.
Car en face, en plusieurs points du front, les forces russes ne cessent leurs assauts, malgré d'importantes pertes et l'absence d'avancées significatives.
Fin novembre, lors d'une visite sur le terrain, le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait donc annoncé qu'"accélérer la construction de structures" défensives était devenue "priorité évidente".
Au même moment, un "groupe de travail sur la construction de fortifications" était constitué, piloté par le ministère de la Défense mais aussi celui de la Transformation numérique, compte-tenu de l'importance prise par les nouvelles technologiques dans ce conflit, à commencer par les drones et les dispositifs de guerre électronique.
- Triple ligne -
Pour l'Ukraine, cela marque un changement radical, car avec le retranchement nait le risque de geler durablement le conflit et donc de perdre de vue l'objectif de libérer les quelque 20% du territoire occupés par la Russie.
En janvier, le Premier ministre Denys Chmygal, évoquant la mise en place d'une "ligne de défense à grande échelle à trois niveaux", a donc assuré que ces fortifications ne devaient pas signifier la fin des actions offensives ukrainiennes.
Ces défenses "nous permettr(ont) à la fois de dissuader l'ennemi, et d'avancer", assurait-il.
Ces lignes sont constituées de tranchées, de bunkers, de pièges antichars - notamment des blocs de béton pyramidaux communément appelés "dents de dragon". Les militaires ukrainiens interrogés par l'AFP n'ont pas précisé s'ils posaient également des mines.
Ces fortifications ressemblent à s'y méprendre à celles bâties par les Russes il y a un an et sur lesquelles la contre-offensive de l'armée ukrainienne s'est cassée les dents, particulièrement sur le front sud.
Dans le sous-bois de la région de Zaporijjia, pendant que la tractopelle creuse, un soldat portant un fusil kalachnikov surveille le ciel d'où le danger peut surgir à tout instant.
"Le principal problème est l'évolution des techniques de reconnaissance de l'ennemi, avec les avions et les drones. Ils (les Russes) peuvent tout repérer, détecter le moindre mouvement, équipement, personnel et changement dans le paysage", explique Iouri, le chef d'équipe.
Pelle à la main dans une tranchée, le soldat Kostia espère de son côté que les Russes "ne viendront pas jusqu'ici" et que ces efforts défensifs sont "juste au cas où".
"Si (les tranchées) sauvent la vie de quelqu'un, nous en serons heureux", commente son camarade Evguéni, qui espère néanmoins que tous ces fossés resteront inutilisés et "ne serviront qu'à des enfants voulant jouer".
- "Plein régime" -
Quelque 200 km au nord-est de Zaporijjia, dans la direction de Koupiansk, un groupe d'une vingtaine de civils achève d'installer des bunkers et de creuser des défenses dans des champs, de part et d'autre d'une route.
Autour de la structure en béton des casemates, semi-enterrée, des ouvriers soudent une sorte de cage en fer, avant de recouvrir le tout de rondins de bois et de terre.
Un bunker "peut résister à trois tirs de tanks", assure Roman, le chef de l'équipe d'ouvriers d'une société de BTP de la région, qui ne souhaite pas donner son nom et que l'AFP a rencontré fin janvier.
Il explique avoir commencé le chantier en novembre et qu'il lui faudra encore un mois pour terminer ce tronçon.
A 100 m devant les tranchées, l'équipe a déjà installé trois rangées de dents de dragon, reliées par des barbelés.
L'Ukraine ne se limite pas à des fortifications dans l'Est et le Sud.
Dans le Nord, d'où les Russes ont été chassé au printemps 2022, les travaux tournent également à "plein régime", disait mi-décembre sur X le général ukrainien et chef de la zone Serguiï Naïev, afin de dissuader tout nouvel assaut en direction de Kiev comme ce fut le cas en février 2022.
"Si la menace augmente (...) nous serons prêts à réagir", promettait-il.