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Lorsqu'elle a appris qu'un missile russe avait frappé la maternité de l'hôpital qui l'employait, à Selydové dans l'Est ukrainien, et que des dizaines de patients étaient évacués en pleine nuit, Olena Obodets s'est précipitée sur place.
Quelques jours après cette attaque, elle raconte à l'AFP les larmes aux yeux avoir alors vu l'hôpital en flammes. La frappe a tué une femme enceinte de 36 ans ainsi qu'une mère et son fils de 9 ans.
"Larmes. Cauchemar. Peur", se remémore Olena.
Selydové est située à 30 kilomètres à l'est d'Avdiïvka, ville qui vient d'être conquise par l'armée russe, une défaite qui ravive chez les habitants de la région d'angoissantes interrogations: faut-il fuir maintenant ou espérer que les forces ukrainiennes, en difficulté, puissent les sauver?
"J'entends beaucoup de gens dans la ville se demander s'ils vont évacuer ou non", explique Olena, âgée de 42 ans, alors que flotte dans l'air l'odeur âcre du béton calciné, se mêlant aux bruits sourds de l'artillerie au loin.
"Les gens ont peur. Ma fille me demande tous les jours d'évacuer, mais je lui dis que le moment n'est pas encore venu", dit-elle.
Alors que les combats se rapprochent, la police -- y compris des officiers contraints de fuir les villes conquises par la Russie -- est confrontée à la lourde tâche d'évacuer les civils d'une zone de plus en plus dangereuse.
Les frappes et avancées russes ont d'ailleurs poussé davantage de personnes à partir, explique Oleksandra Gavrylko, 31 ans, porte-parole de la police régionale.
"Aujourd'hui, nous évacuons plus souvent des civils tués. Nous transportons les corps des morts pour que leurs proches puissent les enterrer", lâche-t-elle à l'AFP.
- Où partir? -
A côté d'un mémorial de la Seconde Guerre mondiale datant de l'époque soviétique à Selydove, un petit nombre de personnes retournaient dans des maisons en flammes -- frappées une heure avant l'hôpital -- pour récupérer des affaires.
Une mère paniquée transportant des sacs d'affaires de son appartement endommagé affirme qu'elle restera malgré tout. Sa fille, elle, affirme qu'elle veut partir.
La procureure Olena Ossadtcha, 40 ans, a déjà fui la ville de Donetsk, tombée aux mains des prorusses en 2014. Les autorités lui ont donné la possibilité de poursuivre son travail dans la ville de Dnipro, plus à l'ouest.
"Nous partirons, mais nous n'avons pas encore trouvé où. Je ne veux pas aller à Dnipro. On n'y est pas en sécurité non plus", lance-t-elle.
Un restaurant de sushis a rouvert ses portes à Selydové au cours de ce mois, témoignant de la détermination de certains habitants à rester même si la situation se dégrade.
Le directeur de l'hôpital en ruines, Oleg Kiachko, âgé de 46 ans, raconte qu'après les dernières frappes, près d'une vingtaine d'employés sur les 350 qui étaient restés ont annoncé leur intention de quitter la ville.
Des employés transportaient des sacs contenant du matériel médical, enjambant des éclats de verre et des bandes de métal tordues, tandis que des employés municipaux réparaient les fenêtres brisées.
"Nous réfléchissons tous à l'endroit où il vaudrait mieux aller. Mais si la situation exige que nous soyons ici aujourd'hui, alors nous sommes ici. Je ne vais nulle part pour l'instant", ajoute le directeur Kiachko.
- "Plus personne" -
À plusieurs kilomètres d'Avdiïvka, près du village de Progress, les troupes ukrainiennes creusent de nouvelles lignes défensives.
Le dernier magasin du village vend encore son stock, quelques heures après que ses fenêtres ont été soufflées par les bombardements.
Un employé, en larmes, et le propriétaire se demandent s'ils vont rouvrir compte tenu de la recrudescence des bombardements et du départ des clients, dont certains avaient déjà fui Avdiïvka.
"Quand les choses iront vraiment mal, il n'y aura plus personne ici. Personne n'achètera de la nourriture", déclare Dmytro Dymytrov, 40 ans, propriétaire du magasin.
À l'extérieur, Viktor, un retraité de 66 ans, accroche à son vélo autant de bouteilles d'eau qu'il peut. Il ne se préoccupe guère des bruits des canons d'artillerie, mais admet qu'ils sont de plus en plus fréquents et bruyants.
"Mes voisins sont partis à Dnipro, mais je n'ai nulle part où aller", explique-t-il.
Oleksandra Gavrylko, la porte-parole de la police, explique que les personnes âgées -- comme Viktor -- sont les plus difficiles à persuader de partir.
"Ils veulent mourir sur leur propre terre", constate-t-elle.