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"Combattre, combattre, combattre". Ne rien céder, défendre ou gagner le moindre pouce de terrain. A l'arrière du front de Kreminna, une ville clé sous occupation russe dans l'est de l'Ukraine, des soldats ukrainiens reconnaissent faire face à un ennemi "coriace".
"Nous les combattons tous les jours, par tous les temps. Nous attaquons dans la direction de Kreminna, mais ils ne sont pas faciles à vaincre. Ils sont bons, ils sont coriaces", raconte "Koulak", un militaire de 24 ans rencontré à Yampil, un village repris fin septembre par les forces ukrainiennes, situé à une trentaine de kilomètres à l'ouest de Kreminna.
"Nous avons eu quelques succès côté ukrainien, pas énormes. L'adversaire ne renonce pas", admet le jeune soldat en souriant, assurant garder un "très bon moral".
Kreminna, située dans la région de Lougansk, est le théâtre d'intenses combats. L'armée ukrainienne observe le black-out sur son activité dans cette zone, mais le gouverneur de la région, Serguiï Gaïdaï, multiplie les messages encourageants - et contradictoires - sur Telegram depuis quelques jours.
"Les défenseurs ukrainiens ont avancé de 2,5 kilomètres dans la direction de Kreminna en une semaine", écrivait-il jeudi.
Mais la veille, il indiquait que les Russes avaient acheminé des renforts et de l'équipement dans la zone, tout en assurant que "la fin de l'occupation de la ville pourrait avoir lieu début 2023".
Selon l'Institut américain pour l'étude de la guerre (ISW), les forces russes "semblent se préparer à un effort décisif dans la région de Lougansk". Mais "il n'est pas clair s'il s'agit d'opérations défensives ou offensives", précisait ISW dans son bulletin quotidien mercredi.
- "En finir" -
A Yampil, l'activité militaire est montée en puissance, reconnaît l'adjointe au maire Youlia Rybalko. Dans ce village détruit à 80%, on croise presque autant de civils que de soldats, et des véhicules militaires sillonnent dans un ballet incessant l'artère principale du village.
Un peu en retrait, sur un terrain derrière des maisonnettes en partie inhabitées, des soldats s'affairent à la maintenance de deux chars, baptisés Natalya et Salvador, pris aux Russes lors de la libération de la zone.
"Si nous réussissons à reprendre Kreminna, nous pourrons couper la ligne d'approvisionnement des Russes à Roubijné, Severodonetsk et Lyssytchansk (d'autres villes importantes occupées de la région) et briser leur mur de défense dans la région de Lougansk", explique Vlad, un des tankistes, originaire de Kiev.
"Nous ne voulons pas un gel de la situation. Nous voulons les repousser, en finir", lâche-t-il.
- "Bon appétit" -
Bien que situé dans une zone "libérée" depuis fin septembre, Yampil reste à portée de canon des Russes. A quelques kilomètres plus au nord, la bataille fait rage aussi dans le village de Torské, et les tirs d'artillerie sont montés en puissance ces derniers jours.
"Ca va plus ou moins. Ca irait mieux s'il n'y avait pas ces bruits assourdissants", soupire Olga, une enseignante à la retraite de 69 ans, qui refuse de donner son nom de famille.
Comme tous les jours, elle retrouve les vieux de Yampil devant le "Bon appétit", unique échoppe ouverte du village, point de collecte de l'aide humanitaire, mais surtout, "salon de conversation" pour les habitants désoeuvrés.
Assis autour d'une table devant la supérette, malgré le froid, ils papotent, se disputent, en regardant d'un oeil distrait le passage ininterrompu des véhicules militaires.
"On vient ici pour parler, c'est notre salon", sourit Olga, tandis qu'une autre femme entonne la lancinante complainte de tout ce qui manque dans le village, électricité, argent, aide... "On se fiche de nous!" grogne-t-elle.
L'aide humanitaire constitue le principal sujet de conversation. A l'écart, devant sa maison à moitié détruite, une vieille dame de 84 ans, foulard bleu sur la tête, fond en larmes en désignant la tablée. "Quand l'aide arrive, ils prennent tout, ils ne partagent rien. Pourquoi, pourquoi ?", interroge-t-elle, très perturbée.
"Personne ne meurt de faim à Yampil", tempère l'adjointe au maire Youlia Rybalko, qui organise les distributions de nourriture, de vêtements ou de bois de chauffage livrés par plusieurs ONG.
La bourgade compte quelque 600 habitants, contre 2.500 avant la guerre. Mais selon Olga, l'ancienne professeure de mathématiques, beaucoup reviennent. Parce que, dit-elle, "on ne se sent nulle part mieux que chez soi".