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Jean-Marc Reiser, 62 ans, connaîtra jeudi le verdict de la cour d'assises du Haut-Rhin devant laquelle il comparaît en appel depuis une dizaine de jours pour l'assassinat de Sophie Le Tan, disparue en septembre 2018 et retrouvée démembrée en forêt en octobre 2019.
Mercredi, l'avocat général, Jean-Luc Jaeg, a requis une peine de réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une période de sûreté de 22 ans, soit la peine la plus lourde encourue par M. Reiser, celle déjà prononcée en première instance par la cour d'assises du Bas-Rhin en juillet 2022.
Démembrée à la scie à métaux, Sophie Le Tan avait été enterrée en lisière de forêt, sans que les recherches des enquêteurs et les nombreuses battues citoyennes organisées ne permettent de la retrouver. Le corps de l'étudiante de 20 ans avait finalement été découvert un an après par hasard, par des promeneurs en quête de champignons.
- Zones d'ombre -
Presque cinq ans et deux procès d'assises plus tard, certaines zones d'ombre persistent, notamment la cause exacte de la mort de l'étudiante: l'état de décomposition du cadavre a empêché de la déterminer.
Dans ces circonstances, deux versions s'affrontent. L'accusation soutient que Jean-Marc Reiser a sciemment élaboré un stratagème pour attirer une étudiante dans un piège, afin de l'abuser sexuellement, avant de lui donner la mort, de manière préméditée.
La défense, au contraire, s'en tient aux aveux tardifs du suspect, formulés en toute fin d'enquête, lorsque l'ensemble des experts avaient rendu leurs conclusions auxquelles il avait eu accès, comme l'a souligné la présidente de la cour d'assises du Haut-Rhin, Christine Schlumberger.
Jean-Marc Reiser a ainsi peut-être formulé des confessions a minima, cohérentes avec les preuves matérielles rapportées, mais sans en dire davantage.
Selon son récit, il avait tenté, à l'issue de la visite de l'appartement, de prendre la main de Sophie Le Tan et de lui faire la bise. Celle-ci l'avait alors repoussé en l'insultant, provoquant chez lui "un accès de fureur" et un élan de violence qui s'était traduit par de multiples coups de pied et de poing.
L'étudiante de vingt ans, poids plume (1,55 m, moins de 55 kilos) face à un logeur baraqué (1,88 m, plus de 90 kilos à l'époque), se serait alors effondrée, percutant fatalement la cuvette des toilettes.
- Assassinat ou coups mortels ? -
Entre ces deux versions, les implications juridiques ne sont pas les mêmes: la première, qui retient la préméditation, suppose une qualification d'assassinat. La seconde ne renvoie qu'à des "coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner".
Mais quelle que soit celle qui sera retenue par les jurés, la peine sera lourde: pour assassinat, Jean-Marc Reiser encourt la réclusion criminelle à perpétuité, contre 30 ans si les coups mortels devaient être retenus.
La sévérité des peines encourues s'explique par l'épaisseur du casier judiciaire de l'accusé: déjà condamné à huit reprises, il est jugé en état de récidive criminelle, ayant déjà été condamné par une cour d'assises, en 2003, pour viols et agression sexuelle.
Au huitième et dernier jour de son procès, l'ancien fonctionnaire de catégorie A, père d'une fille née en 1992 et diplômé en archéologie, sera invité à prendre la parole pour une ultime déclaration. A l'entame des débats, il avait annoncé avoir fait appel pour contester la préméditation et l'intention homicide.
Les neufs jurés populaires et les trois magistrats professionnels se retireront ensuite pour délibérer à huis clos. Ils devront répondre par oui ou par non à quatre questions: l'accusé est-il coupable d'avoir volontairement commis des violences sur Sophie Le Tan ? Les violences ont-elles entraîné la mort ? Avait il l'intention de donner la mort ? Avait-il prémédité ses actes ?
Mercredi, l'avocat général a estimé que le procès en appel n'avait "servi à rien, si ce n'est prolonger la souffrance de la famille Le Tan". La réponse est entre les mains des jurés.