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Aux "oubliées de #MeToo": dans un livre, 30 ans de combat contre les violences sexuelles

C'est un récit dédié aux "oubliées de #MeToo": dans "Sambre", la journaliste Alice Géraud retrace sur une trentaine d'années "la mécanique de l'indifférence" dans le traitement des violences sexuelles envers les femmes et le long chemin parcouru par la société française.

Publiée mi-janvier aux éditions JC Lattès, cette enquête fouillée est née d'une interrogation: "Comment un homme a pu agresser et violer autant de femmes pendant aussi longtemps sur un aussi petit territoire ?", détaille l'autrice dans un entretien à l'AFP.

Cet homme, c'est Dino Scala. Rebaptisé le "violeur de la Sambre, il a été arrêté en 2018 et condamné en 2022 à 20 ans de réclusion criminelle pour plus d'une cinquantaine de viols et des agressions sexuelles (ou tentatives) commis entre 1988 et 2018 dans le nord de la France.

Une affaire hors-norme par son ampleur et sa durée, qui fait d'elle un "fait de société", assure Alice Géraud.

Fait de société qu'elle a mis en récit uniquement avec le témoignage des victimes. "La première chose qui m'a frappée, c'est l'ampleur de leur douleur et à quel point leurs vies se sont arrêtées sur le bord de la route", raconte-t-elle.

- "Déni" -

Pourtant, du récit intime de ces femmes se dessine quelque chose de plus large: "la manière dont notre société et ses institutions ont traité les victimes d'agressions sexuelles et de viols ces 30 dernières années", affirme la journaliste.

Au fil des pages, Alice Géraud -- qui a été l'une des co-fondateurs du média en ligne "Les Jours" -- pointe l'accumulation d'errements, policiers, judiciaires ou journalistiques, qui ont permis à Dino Scala d'agresser et de violer des femmes en toute impunité.

Manque de moyens, pas d'étude de l'ADN, climat sexiste des années 80, poids de la honte... Si les dysfonctionnements sont multiples, la journaliste pointe aussi le climat de minimisation" à l’œuvre ces années-là.

"Pendant longtemps, on ne mesurait pas la gravité des faits et leurs conséquences sur les victimes parce qu'on ne s'y intéressait pas. C'était de l'indifférence", dit-elle.

"Il y a eu un déni. Tout se passait comme si on ne voulait pas voir", complète auprès de l'AFP la sociologue et statisticienne Alice Debauche, qui a été co-responsable de l'enquête nationale Virage de 2015, selon laquelle 14,5% des femmes ont subi des violences sexuelles au cours de leur vie.

Et de rappeler que les premières données nationales sur les violences sexuelles datent des années 1990.

- "Jamais acquis" -

C'est d'ailleurs à cette période que des changements s'amorcent. Comme la suppression en 1994 de la notion d'attentat à la pudeur dans le code pénal, à laquelle lui est substituée celle d'agression sexuelle.

"Symboliquement, ça a été fondamental même si, sur le terrain, ce changement a mis des années à s'opérer", analyse la sociologue.

Si les mouvements féministes et la vague #Metoo (2018) ont participé à la prise de conscience autour de ce fléau, le chemin, "reste encore très long", assure auprès de l'AFP la sociologue Véronique Le Goaziou, autrice d'un ouvrage de référence sur le viol.

"Est-ce que l'affaire du +violeur de la Sambre+ pourrait se reproduire aujourd’hui? Non. Les progrès de l'ADN et l'évolution de la société font que cela semble impossible", observe Alice Géraud, pour qui la prise en charge de ces violences reste toutefois "imparfaite".

Et d'appeler notamment à une "révolution sémantique de la justice": "Les courriers que reçoivent les victimes sont incompréhensibles, les démarches d'aide juridictionnelle sont une montagne, sans parler de l'accompagnement des victimes", énumère la journaliste.

Surtout, souligne Alice Debauche, "ce qu'on observe dans le combat contre les violences sexuelles, c'est que rien n'est jamais acquis d'avance. Il y a des moments d'amélioration mais il peut aussi y avoir des retours en arrière".

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