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Surprise du chef: attendue avant Noël, la réforme des retraites, clé de voûte du programme présidentiel d'Emmanuel Macron, sera finalement présentée le 10 janvier, mais ses opposants syndicaux et politiques sont déjà prêts à un combat acharné.
Encore un peu de répit et des tractations supplémentaires avant la bataille rangée. Le gouvernement se tenait prêt à dévoiler la réforme des retraites le 15 décembre.
Mais le chef de l'Etat a renvoyé les annonces au 10 janvier, tirant prétexte des scrutins dans la fonction publique, mais aussi chez Les Républicains et les écologistes d'EELV.
Des échéances qui ont sans doute moins pesé que la crainte de grèves pendant les fêtes, ou les divisions de la majorité étalées dans la presse.
"Nous n'avons pas fait l'effort de pédagogie nécessaire", a ainsi affirmé le président du Modem, François Bayrou. Le même allié du président qui, en septembre, s'était déjà opposé au "passage en force" de la réforme via le budget de la Sécu. Forçant l'exécutif à concéder une "concertation" express sinon de façade.
Car les grandes lignes du projet n'ont pas bougé depuis la réélection du chef de l'Etat, déterminé à augmenter l'âge légal de départ de 62 à 64 voire 65 ans - cette dernière borne ayant sa préférence, selon les convives d'un dîner à l'Elysée consacré à cet épineux sujet.
Deux ou trois années de labeur en plus pour tous, y compris ceux qui bénéficient d'un départ anticipé ("carrières longues" du privé ou "catégories actives" du public), afin de combler les déficits à venir - de l'ordre de 12 milliards d'euros en 2027 - et de payer quelques compensations, comme la pension minimale à 1.200 euros pour une carrière complète.
Au-delà des retraites, ce surcroît de travail a aussi pour but de financer d'autres priorités comme l'école ou la santé. "Si la réforme fonctionne bien (...) ça permet de dégager des marges", confirme le ministre du Travail, Olivier Dussopt.
- Match retour -
L'affaire étant entendue, pas question de traîner.
Après sa présentation officielle - le 10 janvier, donc - le projet de loi devrait être adopté en Conseil des ministres le 18 ou le 25, pour un examen dans la foulée au Parlement.
La piste d'un nouveau texte budgétaire est même envisagée pour accélérer les délais, tout en usant à volonté de l'article 49.3 de la Constitution.
La réforme pourrait de cette manière entrer en vigueur dès l'été 2023, avec un premier recul de trois ou quatre mois pour les pionniers de la "génération 1961".
Trop vite, trop fort, estiment les syndicats, qui ont fait mine de "prendre acte" de la prolongation des discussions. Pas malheureux de pouvoir, eux aussi, enjamber la trêve des confiseurs pour mobiliser leurs troupes à la rentrée.
Pour la première fois depuis 12 ans et la réforme Woerth (qui avait relevé l'âge légal de 60 à 62 ans) tous les syndicats sont prêts à se mobiliser ensemble. Y compris la CFDT, sur une ligne plus ferme contre toute "mesure d'âge" depuis son dernier congrès.
La CGT, elle, tiendra le sien en mars, contexte propice à la surenchère, en particulier dans le secteur de l'énergie, comme l'ont montré les blocages de raffineries en octobre. La suppression du régime spécial des électriciens et gaziers risque de faire encore monter la tension. Même enjeu à la RATP, dont les agents ont rappelé début novembre leur capacité à paralyser les transports parisiens.
Trois ans après leur mobilisation contre la précédente réforme des retraites de M. Macron - stoppée net par le Covid - les syndicats semblent résolus à jouer le match retour. "Il faudra être prêt pour la première quinzaine de janvier", prévient la secrétaire confédérale de la CGT Céline Verzeletti.
Il faudra également s'attendre à une guérilla parlementaire des députés Insoumis, dont la cheffe Mathilde Panot a promis de "combattre pied à pied" le texte dans l'Hémicycle, quitte à jouer comme en 2020 "l'obstruction" avec une nuée d'amendements.
Et pousser le gouvernement à forcer le passage avec l'arme du 49.3, au risque de remettre de l'huile sur le feu.