Partager:
Le maire et président de la métropole de Saint-Etienne, l'ex-LR Gaël Perdriau, a été mis en examen jeudi dans une affaire de chantage à la vidéo intime compromettant son ancien premier adjoint centriste, a annoncé le parquet de Lyon dans un communiqué.
L'édile de 50 ans, élu depuis 2014, a été mis en examen pour chantage et placé sous statut de témoin assisté pour "détournement de fonds publics par un dépositaire de l'autorité publique", précise ce communiqué.
M. Perdriau avait auparavant passé une quarantaine d'heures en garde à vue, en même temps que son ancien directeur de cabinet Pierre Gauttieri, son ancien adjoint Samy Kéfi-Jérôme et l'ex-compagnon de ce dernier, Gilles Rossary-Lenglet.
Après auditions et confrontations, les quatre hommes ont été déférés devant les juges d'instruction lyonnais en charge du dossier, selon le communiqué du parquet qui décline les différents chefs de mise en examen visant les uns et les autres, établissant ainsi leur rôle présumé dans le scandale qui secoue Saint-Etienne depuis sept mois.
L'affaire a éclaté fin août 2022 quand M. Rossary-Lenglet a révélé à Mediapart l'existence d'une sex-tape tournée en janvier 2015 dans laquelle on peut voir le centriste Gilles Artigues, rival politique de Gaël Perdriau, se faire masser par un homme dans une chambre d'hôtel à Paris.
Ce quinquagénaire affirmait dans sa confession avoir participé à ce "barbouzage de moeurs" à la demande du maire et de son entourage, dans le but de neutraliser l'élu centriste. Et il disait avoir été rétribué via des prestations fictives facturées à deux associations locales subventionnées par la mairie.
Les différentes mises en examens prononcées jeudi correspondent avec ce récit. Ainsi, M. Rossary-Lenglet est suspecté de "complicité de chantage avec mise à exécution de la menace, recel de bien obtenu à l’aide d'un détournement de fonds, utilisation, conservation ou divulgation d’un document ou enregistrement portant sur des paroles ou images à caractère sexuel et obtenu par une atteinte à l'intimité de la vie privée", selon le communiqué du parquet.
A la sortie du tribunal, son avocat, Me Sylvain Cormier, a décrit son client en "lanceur d'alerte", dénonçant "un système auquel il a participé pour que la vérité éclate".
Son ex-compagnon qui siégeait au conseil municipal et l'ex-chef de cabinet du maire sont suspectés d'avoir joué un rôle actif dans l'affaire, comme l'indique un de leurs chefs de mise en examen, "chantage avec mise à exécution de la menace", les autres étant identiques à ceux de M. Rossary-Lenglet.
- "Etape décisive" -
Nommément accusé par M. Artigues, cité dans des enregistrements audio accablants, M. Perdriau a toujours clamé son innocence et répété plusieurs fois qu'il ne démissionnerait pas, même en cas de mise en examen, en invoquant la "présomption d'innocence".
"Je ne suis ni le commanditaire, ni l'organisateur, ni un utilisateur de cette vidéo. Je n'ai jamais eu ni vu ce document", avait-il déclaré à l'AFP en décembre.
Mais de multiples auditions de témoins, ajoutées à l'analyse des téléphones et ordinateurs des différents protagonistes ont visiblement conduit les enquêteurs à douter de ses dénégations.
"Une étape décisive a été franchie, qui démontre que Gilles Artigues a été victime d’un chantage organisé, ce qu’il dit depuis le début. À ce stade on ne peut pas préjuger de qui en est le commanditaire, mais des indices graves et concordants pèsent sur le maire de Saint-Etienne", a déclaré à l'AFP Me André Buffard, l'avocat de Gilles Artigues.
Exclu de LR après une première garde à vue mi-septembre 2022, Gaël Perdriau a jusqu'à présent refusé de renoncer à ses mandats électifs. Seule concession, il s'est mis en retrait de ses fonctions à la tête de la municipalité et la métropole.
L'affaire l'a cependant poussé à limoger son directeur de cabinet. Son adjoint Samy Kéfi-Jérôme a démissionné en septembre de la mairie et de la métropole.
"Gaël Perdriau doit démissionner dans l’intérêt, pour la réputation et l’honneur de notre ville à défaut du sien", a réagi auprès de l'AFP Pierrick Courbon (PS), le chef de file de l'opposition municipale et métropolitaine, après les mises en examens.
"Son contrôle judiciaire consiste notamment à ne pas rencontrer les autres personnes mises en cause dans ce dossier, mais il peut continuer à se rendre à la mairie et à travailler avec ses collaborateurs", a cependant précisé à l’AFP l'avocat de M. Perdriau, Jean-Félix Luciani.
hay-mla-dm-sof/jg/tmt