Partager:
La France doit "doubler" son "taux d'effort" pour réduire ses émissions de carbone si elle veut atteindre ses objectifs en 2030, a admis samedi le président Emmanuel Macron, en traçant un calendrier -de février à juin- des échéances à respecter par secteur d'activité (transports, agriculture...).
"Aujourd'hui, on n'y est pas. Et si on ne change pas les choses, on n'y arrivera pas", explique-t-il dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, deux jours après avoir réuni un discret "conseil de planification écologique" à l'Élysée.
"Si on veut atteindre notre cible 2030, on doit passer à 270 millions de tonnes de CO2 émises", contre 410 millions de tonnes en 2022, rappelle le chef de l'Etat, "ce qui veut dire qu'il faut entre maintenant et 2030 baisser de 140 millions de tonnes (...) ce qui veut dire qu'on doit simplement doubler le taux d'effort par rapport à ce qu'on a fait ces cinq dernières années".
Anne Bringault, du Réseau Action Climat, qui regroupe 27 ONG dont Greenpeace, salue ce constat: le président "assume enfin le retard pris dans la tenue des objectifs climatiques de la France et la nécessité d'accélérer fortement l'action", dit-elle à l'AFP.
Mais les "mesures concrètes se font encore attendre", regrette-t-elle, "seul un planning de décisions est proposé".
De fait, le président a rappelé les émissions de CO2 par grand secteur contribuant à réchauffer l'atmosphère, des transports -première source d'émission en France avec 30%- aux déchets (3%), en passant par l'agriculture (19%), l'industrie (19%), le bâtiment (18%) et l'énergie (10%).
Dans les transports, "on n'a pas réussi à baisser", a-t-il reconnu en préconisant "d'intensifier" la politique actuelle: électrifier le parc des véhicules particuliers avec prime à la conversion, bonus écologique, et surtout production de voitures en France.
Une stratégie jugée insuffisante par le Réseau Action Climat pour qui le véhicule électrique n'est qu'une partie de la solution.
"Emmanuel Macron avait annoncé un leasing de véhicule électrique à 100 euros, mais il est impossible à mettre en place sans subventionner des voitures étrangères car les constructeurs français ne font pas de petites voitures abordables, il faudrait leur tordre le bras", dit Mme Bringault.
L'annonce prévue en février par Elisabeth Borne de mesures pour "améliorer les infrastructures de transport public" sera un "moment-clé", selon elle: "Ce sera le premier marqueur d'un vrai changement de cap".
Pour l'agriculture, "on doit aller beaucoup plus loin, beaucoup plus fort pour réduire nos émissions", a exhorté le président, qui entend avoir un plan finalisé "en juin". Celui-ci devra s'articuler avec une future loi en faveur de l'installation des jeunes agriculteurs.
Liant agriculture et énergie, M. Macron semble indiquer que les aides à l'installation des jeunes agriculteurs pourraient être conditionnées à des objectifs en matière de production d'énergie, de biomasse, ou une amélioration du stockage carbone.
- "Un milliard d'arbres" -
D'ici "mars-avril", le président compte aussi "finaliser la stratégie forestière" de replantation d'"un milliard d'arbres" pour améliorer le puits de carbone. L'absorption du CO2 par la végétation s'est effondrée en France depuis 2013 sous l'effet des sécheresses et des incendies.
Côté bâtiment, aucune annonce, alors que de nombreuses voix réclament un plan massif de rénovation énergétique des logements et des bâtiments publics, hôpitaux, écoles, etc..
Le président souligne simplement l'ouverture d'une "concertation" en "février" et indique chercher "une manière d'organiser l'effort un peu plus innovante".
Dans l'industrie, après avoir réuni les représentants des 50 sites les plus polluants à l'Elysée, en novembre, il rappelle le rendez-vous fixé "fin mai" pour évaluer leur "stratégie de décarbonation".
Dans l'énergie, il annonce d'ici "février-mars" un nouveau "plan de sobriété", la Première ministre étant chargée d'annoncer une "planification" d'ici "mai-juin".
Le Journal Officiel de samedi détaille le fonctionnement des nouveaux comités régionaux de l'énergie, pilotés en double commande par les préfets et présidents de région, et chargés d'organiser la production d'électricité renouvelable, les réseaux de récupération de chaleur ou de froid, dans les territoires.
"Je ne vous cache pas qu'il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup, de travail", a conclu Emmanuel Macron. "On rentre dans le dur (...) Il faudra de l'argent public mais il faut aussi de l'argent privé".
Dans le Journal du Dimanche, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire chiffre à "60 à 70 milliards d'euros supplémentaires par an" le coût de l'effort nécessaire pour réussir la transition énergétique.