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Emmanuel Macron est sorti jeudi de son silence depuis Barcelone où, au moment où des centaines de milliers de personnes manifestaient en France contre sa réforme des retraites, il a défendu avec "détermination" son projet qui a, selon lui, déjà été "démocratiquement validé".
"Il est bon et légitime que toutes les opinions puissent s'exprimer", a affirmé le président français, interrogé par la presse dans le cadre d'un sommet franco-espagnol.
"Je fais confiance aux organisateurs de ces manifestations pour que cette expression légitime de désaccord puisse se faire sans créer trop de désagréments pour l'ensemble de nos compatriotes mais évidemment sans débordements ni violence ni dégradation", a-t-il ajouté, dans une mise en garde à peine voilée aux syndicats.
Le chef de l'Etat a bien été accueilli par quelques milliers de manifestants jeudi matin, mais ils scandaient des slogans indépendantistes catalans: il était en Espagne, à 800 kilomètres de Paris où démarrait la mobilisation contre la réforme des retraites, projet-phare du quinquennat.
Un hasard du calendrier veut qu'Emmanuel Macron se trouvait loin de l'Elysée le jour du premier grand test de son second quinquennat.
Le 27e sommet franco-espagnol "avait été fixé bien en amont", fait valoir son entourage.
Résultat, voilà Emmanuel Macron et pas moins de onze ministres à Barcelone.
Si le ministre du Travail Olivier Dussopt, censé être du voyage, a décidé de rester à Paris pour suivre la situation et représenter le gouvernement dans les médias jeudi soir, son collègue des Transports Clément Beaune était en Espagne pendant ce qu'il a lui-même qualifié de "jeudi de galère" pour les usagers.
Tout comme celui de l'Economie, Bruno Le Maire, gardien des équilibres financiers de la réforme des retraites, de l'Education, Pap Ndiaye, alors que bon nombre d'établissements étaient fermés en France, et de l'Intérieur Gérald Darmanin, qui avait déployé plus de 10.000 policiers et gendarmes autour des manifestations...
A distance, tous suivent l'évolution de la situation, avec en tête la crainte de violences en marge des cortèges.
Fin 2018, le début du mouvement des "gilets jaunes" avait viré à des scènes de guérilla urbaine en plein Paris pendant que le président de la République était à Buenos Aires, pour un sommet du G20 organisé par l'Argentine.
"Ça se passe plutôt bien", glisse un ministre qui redoutait des blocages de lycées. "Ça se passe mal comme prévu", dit un autre, mais au sujet des transports qui circulent au compte-gouttes.
La plupart regagnent une France en grève en milieu d'après-midi.
- "Juste et responsable" -
Le chef de l'Etat, muet en public sur les retraites depuis la présentation du projet gouvernemental le 10 janvier, est sorti de sa réserve pendant la conférence de presse du sommet.
La réforme, assure-t-il, elle a été "démocratiquement présentée, validée" lors des élections du printemps qui lui ont confié un second mandat mais seulement une majorité relative à l'Assemblée nationale.
Certes, tous les Français qui ont voté pour lui n'étaient pas pour la réforme, certains ont fait barrage à Marine Le Pen. "Mais il n'en demeure pas moins que les choses ont été aussi expliquées clairement, démocratiquement", "on peut pas non plus faire comme s'il n'y avait pas eu d'élections il y a quelques mois", a-t-il plaidé.
Maintenant, malgré la mobilisation, "il faut procéder à cette réforme" qui est "juste et responsable", a-t-il martèlé. "Et donc nous le ferons avec respect, esprit de dialogue mais détermination et esprit de responsabilité".
Pas sûr que le message soit de nature à satisfaire les syndicats.
Dans les cortèges parisiens, une manifestante brandit une pancarte demandant "Tu nous entends depuis l'Espagne?". Tandis que le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez ironise: "Comme le gouvernement est en Espagne, je ne sais pas s'ils vont nous envoyer un pigeon voyageur".
Après le sommet, Emmanuel Macron s'est attardé à Barcelone pour visiter une exposition et s'exprimer, en fin de journée, devant la communauté française.
Pendant son discours, la sécurité de l'Elysée a fait sortir de la salle un jeune homme qui avait écrit sur son t-shirt "Non à votre réforme des retraites".