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Dérives sectaires: l'Assemblée vote la création de délits contre les "gourous 2.0"

L'Assemblée nationale a adopté mercredi en première lecture un texte de lutte contre les dérives sectaires, notamment sur internet, approuvant finalement la création d'un nouveau délit de "provocation à l'abstention de soins" médicaux, malgré l'indignation d'une partie de l'opposition.

Le projet de loi a été voté par 151 voix contre 73 et va poursuivre son chemin parlementaire.

Face aux "gourous 2.0" et leurs fausses promesses de guérison du cancer par des "jus de citron", l'exécutif réclame cette nouvelle infraction qui punira la "provocation" à l'abandon de soins "au moyen de pressions ou de manœuvres réitérées", exposant à des "conséquences graves" pour la santé.

Mais il a fallu deux votes pour obtenir l'aval de l'Assemblée nationale.

Mardi soir, une coalition des oppositions a rejeté l'article, comme l'avait fait le Sénat fin 2023. Députés LFI, LR et RN dénoncent une menace pour "les libertés publiques" et pour les "lanceurs d'alerte" qui critiquent l'industrie pharmaceutique.

Malgré les protestations dans l'hémicycle, le député Renaissance Sacha Houlié a demandé mercredi une nouvelle délibération, au nom de la commission des Lois dont il est le président.

L'annonce de ce second vote a provoqué l'indignation des détracteurs de l'article, avec rappels au règlement et suspensions de séance. Le RN Thomas Ménagé a reproché au camp présidentiel de "bafouer le vote de la représentation populaire".

Modifié par les députés, l'article a finalement été adopté par 182 voix contre 137, avec le soutien du PS notamment. Le socialiste Arthur Delaporte a salué le retour de cette mesure, "plus que jamais nécessaire" pour "défendre la science" alors "que des gens disent des choses inacceptables sur les réseaux sociaux".

Il a été réécrit pour qu'il ne "s'applique pas aux lanceurs d'alerte", a souligné la rapporteure Renaissance Brigitte Liso.

Ce nouveau délit de provocation à l'abandon ou l'abstention de soins serait passible d'un an d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende, des peines portées à trois ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende quand la provocation a été suivie d'effets.

La secrétaire d’État Sabrina Agresti-Roubache a souligné "l'évolution" des dérives sectaires, notamment de la "sphère complotiste" sur internet.

- Véran contre Le Pen -

L'ambiance électrique a ravivé les plaies des débats houleux sur le pass sanitaire et des vaccins contre le Covid, avec plusieurs passes d'armes avec l'extrême droite.

Redevenu simple député, l'ex-ministre de la Santé et porte-parole du gouvernement Olivier Véran s'en est d'ailleurs pris en fin de séance aux "gourous" et au professeur controversé Didier Raoult, discrédité par ses pairs après avoir fait la promotion de l'hydroxychloroquine pendant la pandémie.

"Y a pas quelques ministres qui ont été soignés par le professeur Raoult?", a répliqué Marine Le Pen, en référence à Sabrina Agresti-Roubache, qui avait été prise en charge par M. Raoult et avait vanté son traitement.

Chez les professionnels de santé, l'ordre des médecins soutient le projet de loi face à la pratique illégale de la médecine.

Les médecins ont "besoin de ces outils", abonde le collectif No FakeMed, qui insiste pour autant sur la prévention et l'accompagnement des acteurs de la santé et des "professionnels du bien-être".

Dans les rangs macronistes, certains se demandent si l'attitude de Sabrina Agresti-Roubache dans l'hémicycle mardi n'a pas contribué à l'ambiance houleuse.

"Ce n'est pas impossible", glisse un élu. La secrétaire d’État a crispé jusqu'au sein de la majorité en ne s'opposant pas à certains amendements RN mardi soir. Le président du groupe Renaissance Sylvain Maillard avait demandé une suspension de séance pour échanger avec Mme Agresti-Roubache et "calmer le jeu", selon un député.

Contrairement au Sénat, l'Assemblée a validé un nouveau délit de placement ou de maintien en état de "sujétion psychologique", afin de mieux appréhender les "spécificités de l'emprise sectaire", selon le gouvernement.

Ce projet de loi érige aussi en circonstance aggravante l'abus de faiblesse commis au moyen d'un support numérique ou électronique, et entend mieux protéger les mineurs avec des délais de prescription allongés.

La rapporteure Renaissance Brigitte Liso souligne que "le nombre de signalements" de dérives sectaires a "presque doublé entre 2015 et 2021", avec 4.020 enregistrés en 2021.

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