Accueil Actu Monde France

Insultes à un député: Hanouna coûte à sa chaîne une amende record de 3,5 millions d'euros

Machine à clashes générateurs d'audience, Cyril Hanouna commence à coûter cher à C8: la chaîne a été condamnée jeudi à une amende record de 3,5 millions d'euros, après les injures lancées en direct par son animateur vedette au député LFI Louis Boyard en novembre.

"Abruti", "tocard", "t'es une merde": ces propos "ont porté atteinte aux droits de l'invité, au respect de son honneur et de sa réputation", a tranché le régulateur des médias, pour qui cette séquence a traduit "une méconnaissance par l'éditeur de son obligation de maîtrise de son antenne".

Ce n'est pas la première fois que l'Arcom sanctionne financièrement C8 à cause de son animateur: elle s'était déjà vue infliger une amende de trois millions d'euros en 2017 pour un canular jugé homophobe sur le plateau de "Touche pas à mon poste".

L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique a également indiqué jeudi avoir mis en demeure la chaîne de respecter ses obligations en matière d'honnêteté et d'indépendance de l'information.

Elle a considéré que Louis Boyard "avait été explicitement empêché d'exprimer en plateau un point de vue critique à l'égard d'un actionnaire du groupe Canal+, auquel appartient le service de télévision C8", ce qui n'avait pas permis de réaliser l'émission "dans des conditions qui garantissent l'indépendance de l'information".

"Le groupe Canal+ déplore la décision de l'Arcom (...) ne tenant en rien compte du comportement de (Louis Boyard) lors de l'émission du 10 novembre 2022. Le groupe Canal+ mettra en œuvre les voies de recours possibles dans les plus brefs délais", a indiqué l'entreprise dans un communiqué jeudi soir.

"Le milliardaire Bolloré a voulu me censurer. On a Touché à Son Poste", a pour sa part réagi Louis Boyard sur Twitter.

Cette décision du régulateur, autorité indépendante du gouvernement, survient dans un contexte de tensions entre Canal+, filiale du groupe Vivendi piloté par le milliardaire conservateur Vincent Bolloré, et la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak.

Cette dernière a jugé jeudi matin, sur France Inter, "inadmissible" l'appel récent de Cyril Hanouna à la privatisation de l'audiovisuel public, soulignant que le Rassemblement national est le seul parti qui défend cette mesure.

"Privatisez-moi ça", avait lancé mi-janvier l'animateur de "Touche pas à mon poste", qui rassemble plus d'un million de téléspectateurs chaque soir.

La ministre a également évoqué à la radio la possibilité pour l'Arcom de retirer à CNews et C8 les fréquences mises à leur disposition en cas de non-respect de leurs obligations.

"Nous avons été profondément choqués par les propos tenus par Madame la ministre de la Culture", a réagi Canal+ dans un communiqué diffusé jeudi après-midi.

- Tensions Canal+/gouvernement -

"Près de cinq minutes de son intervention ont été consacrées à la critique de notre groupe et à des invectives contre nos chaînes C8 et CNews", s'est offusqué le groupe.

"En laissant à nouveau entendre que" leurs licences "ne mériteraient pas d'être renouvelées en 2025", la ministre "prend parti, sort de sa réserve et ne respecte pas l'indépendance de notre régulateur sectoriel", a-t-il ajouté.

Cette passe d'armes n'est pas nouvelle. Sur un éventuel non-renouvellement des fréquences TNT, déjà évoqué par Mme Abdul Malak, le patron de Canal+, Maxime Saada, avait précédemment répliqué qu'"un ministre ne devrait pas dire ça".

"Je suis dans mon rôle quand je rappelle le cadre existant", s'est-elle défendue jeudi. "Il y a des obligations à respecter. Il y a déjà eu une vingtaine d'interventions de l'Arcom, depuis 2019, pour C8 et CNews. Au bout de combien d'interventions l'Arcom pourra-t-elle dire à quel degré les obligations ne sont pas respectées ? C'est le rôle de l'Arcom", a-t-elle poursuivi.

Plus généralement, la ministre a critiqué Vincent Bolloré, régulièrement accusé de censure ou de vouloir orienter la ligne éditoriale des médias qu'il détient.

"On a eu un certain nombre d'exemples, dans les derniers mois, les dernières années, qu'il s'agisse de Canal+, (...) de Paris Match, (...) qu'il s'agisse d'Europe 1, qu'il s'agisse de l'édition... Il y a un certain nombre d'alertes, sur la liberté de création, sur la liberté d'expression", a-t-elle détaillé.

Hasard du calendrier, la Cour européenne des droits de l'Homme a par ailleurs débouté jeudi C8 qui contestait sa précédente amende de trois millions, au nom de la liberté d'expression.

De nouvelles échéances attendent encore le groupe Canal+: le régulateur doit se prononcer cette fois sur des propos anti-musulmans tenus en décembre par un chroniqueur de CNews.

hh-cgu-ac-yk/mch/gvy

À lire aussi

Sélectionné pour vous