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La stratégie de dédiabolisation du RN, minutieusement construite par Marine Le Pen a pris un sérieux coup dans l'aile vendredi, après l'exclusion temporaire d'un député du RN qui avait lancé des propos à teneur racistes en plein hémicycle. Mais le parti fait front et dénonce une "manipulation".
Cette exclusion survient alors que le parti d'extrême droite, qui se choisit un nouveau président samedi entre Louis Aliot et Jordan Bardella, tente de franchir un nouveau cran dans cette stratégie depuis son arrivée en masse dans l'hémicycle --89 députés-- à l'issue des élections législatives de juin.
Jeudi, l'élu insoumis -et noir- Carlos Martens Bilongo s'exprimait sur le "drame de l'immigration clandestine", quand le député RN de Gironde Grégoire de Fournas lance "qu'il retourne en Afrique", provoquant un incident d'une rare ampleur au Palais Bourbon.
Il a écopé vendredi d'une sanction rarissime, son exclusion de l'Assemblée pour 15 jours de séance et la privation de la moitié de son indemnité parlementaire pendant deux mois.
Le RN dénonce une "manipulation" de LFI, Marine Le Pen évoquant une polémique "grossière". "Nous sommes jugés par nos adversaires politiques", a-t-elle réagi après l'annonce de la sanction.
- "Vrai visage" -
Les condamnations du reste de la classe politique sont unanimes, jusqu'au chef de l'Etat "heurté" par des "mots intolérables".
"Le vernis craque", a dénoncé le député Renaissance Sylvain Maillard. "L'extrême droite a montré son vrai visage", a abondé sa collègue insoumise Mathilde Panot.
L'incident tombe très mal à la veille de la désignation d'un nouveau président pour le parti d'extrême droite.
Le 6 octobre pourtant, Marine Le Pen, pour les 50 ans du parti, insistait sur le caractère "républicain" du RN, de sa "mue", de son "aggiornamento".
Un modeste colloque, mais un point d'orgue d'une stratégie de dédiabolisation minutieusement échaffaudée depuis que la fille de Jean-Marie Le Pen a repris le flambeau, en 2011 avec pour mission de faire oublier les "détails de l'histoire" et les provocations racistes du père.
L'arrivée des 89 députés à l'Assemblée après les législatives de juin, tous cravatés et conscients de leur "responsabilité", devait achever la métamorphose du Rassemblement national en "parti de gouvernement".
Las, la mandature a difficilement commencé : le doyen de l'Assemblée José Gonzales a d'entrée fait l'éloge de l'Algérie française de son enfance. La polémique est immédiate et la gauche dénonce une "nostalgie de la colonisation".
Fin octobre, la députée RN Alexandra Masson avait aussi suscité l'indignation de la gauche en considérant dans l'hémicycle que les sauveteurs en mer avaient vocation à "sauver des vies" et non à "aller chercher toujours plus de migrants".
"La cravate ne cache pas l'extrême droite. C'est un coup de canif à cette image de responsabilité, de respectabilité, de parti de gouvernement qu'a voulu construire le RN", explique le directeur général de l'institut de sondage Ifop Frédéric Dabi.
L'évènement peut aussi miner la "stratégie de distinction" entreprise par le parti qui souhaite mettre en avant "son sérieux" par rapport à "l'agitation" suscitée par les élus insoumis, ajoute l'expert.
- "J'assume" -
"Mais que pèse cette affaire par rapport à l'inflation, les pénuries, l'affaire Lola, qui sont les premières préoccupations des Français?", interroge M. Dabi. "Il ne faut pas croire qu'(ils) ont suivi toute la nuit cette affaire."
L'immigration reste "au coeur" des préoccupations de l'électorat RN, malgré quelques pas de côté sur le terrain de la vie chère, relève le sondeur.
Aussi vendredi, tout le parti fait front autour d'un supposé "courage" du député de Fournas, qui aurait manifesté son opposition à l'immigration.
"Je ne pense pas du tout que ça nous rediabolise. Les Français verront la manipulation. Ce sera peut-être un petit mal pour un grand bien", a déclaré le député Jean-Philippe Tanguy.
"Souhaiter que les clandestins retournent chez eux, ce n’est pas du racisme ! C’est simplement ce que la loi républicaine se doit d’organiser en cas d’entrée irrégulière", a abondé le député européen Thierry Mariani.
"Je ne lâcherai rien ! J'assume mes propos sur la politique migratoire anarchique de notre pays et je continuerai à le faire face à la meute politico-médiatique", a tweeté Grégoire de Fournas.