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"Personne ne se méfie d'une petite fille..." Josette Torrent a été la plus jeune résistante de France en devenant en 1942, à 12 ans, agent de liaison de son père.
Longtemps elle a tu son rôle face à l'occupant nazi. Avant finalement d'accepter de parler par "devoir de mémoire" envers ce père tant aimé et admiré, dont elle refuse, pendant des décennies, d'admettre la mort en déportation en Allemagne.
Tout commence le 1er septembre 1942 à Perpignan quand son père, souffrant, lui révèle qu'il est résistant et lui demande un service: transmettre un document top secret dans un tunnel, près de la gare. Josette a 12 ans, 4 mois et 17 jours, ce qui va faire d'elle la plus jeune fille entrée dans la Résistance.
Dès juin 1940, elle a ressenti "des frissons et une envie de vomir" en voyant les Allemands entrer en chantant dans Saint-Malo, raconte-t-elle dans son livre autobiographique.
"J'avais 12 ans et j'étais résistante" (Harper Collins, 2023). La Perpignanaise de naissance, installée avec sa famille en Bretagne, éprouve déjà ce besoin irrépressible de "faire quelque chose" pour "foutre les Boches dehors".
Sous l'oeil protecteur de son père Michel et d'autres camarades, elle va devenir un de ces rouages du réseau Gallia.
Qui comptera jusqu'à 2.500 soldats de l'ombre chargés de collecter des renseignements sur l'occupant et de les faire remonter jusqu'à Londres.
- "La peur, jamais !" -
Sur un banc du jardin public, près de la gare, elle transmet des documents à des inconnus contre un mot de passe ("10 minutes d'attente, encore du retard le rail"...). Son père les glisse dans une cache à l'intérieur de son atlas de géographie. Elle apprend aussi à coder.
Père et fille -parfait alibi l'un pour l'autre- font aussi passer vers l'Espagne voisine des réfugiés, des résistants recherchés et des jeunes voulant échapper au STO, le Service du travail obligatoire.
Et la peur dans tout ça ? "J'avais la crainte de ne pas faire les choses comme il faut. Mais la peur, bizarrement, jamais !", confie-t-elle à l'AFP.
Née le 15 avril 1930, Josette Torrent arrive en Bretagne à 4 ans avec ses parents, Thérèse et Michel, étalagiste-décorateur, et sa jeune soeur Micheline. 1939: premier choc avec le départ pour la guerre du père. Démobilisé neuf mois plus tard dans le Sud, il parvient à gagner leur ville d'origine, Perpignan.
Avec sa mère et sa soeur, elle fuit à l'automne 40 Saint-Malo occupé, cachant -c'est elle qui en a l'idée- les économies familiales à l'intérieur de son poupon.
Le parcours en train est épique mais elles parviennent, sans Ausweis (le laissez-passer allemand), à gagner la zone libre et Perpignan, où elle va mener cette double vie de collégienne-résistante.
- L'atlas de géographie -
En en disant le moins possible. Sa mère, membre d'un autre réseau, n'apprendra le rôle joué par sa fille aînée qu'à l'arrestation du mari.
Qui intervient le 2 mars 1944, un matin de grand soleil et de tramontane. La veille, ils sont allés voir au cinéma "Le Comte de Monte-Cristo". Comme Edmond Dantès, Michel a été vendu par un traître...
Ce jour tant redouté, père et fille l'ont souvent évoqué. "S'il m'arrive un jour quelque chose, ma Jo, tu brûles tout !" Elle s'exécute. Détruit tout. A une exception, l'atlas. Pas possible de se débarrasser de ce lien si fort avec le père.
Au retour des prisonniers de guerre, en 1945, elle va tous les jours à la gare avec un portrait de son père et interpelle les revenants au visage émacié. Elle apprend finalement qu'il a péri au camp allemand de Flossenbürg, le 17 novembre 1944.
Pendant très longtemps, elle refuse de l'admettre. Enfermée dans le déni tout en continuant à vivre. Et puis, bien après, dans les années 90, elle s'assigne une nouvelle mission: celle de raconter. Pour lui.
Inlassablement, elle témoigne devant écoliers, collégiens et lycéens, martelant qu'elle n'a fait "que son devoir" et mettant en garde contre l'extrême droite. Avec toujours, à portée de main... son atlas de géographie.