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Des consommateurs rassemblés contre les pratiques litigieuses d'entreprises: l'Assemblée nationale planche mercredi sur une proposition de loi pour relancer les procédures d'actions de groupe devant la justice, après le "bilan décevant" du dispositif lancé en 2014.
Porté par la MoDem Laurence Vichnievsky et le LR Philippe Gosselin, le texte devrait recueillir un soutien très large, si ce n'est l'unanimité, lors du vote en première lecture mercredi ou jeudi, durant une semaine transpartisane au Palais Bourbon.
En partie inspirée des "class actions" à l'américaine, l'action de groupe à la française, lancée par la Loi Hamon de 2014, permet à des consommateurs victimes d'un même préjudice de la part d'un professionnel de se regrouper et d'agir en justice au sein d'associations agréées.
D'abord limité au droit de la consommation, le champ de l'action de groupe a été élargi en 2016 à la santé, l'environnement, la protection des données personnelles, la lutte contre les discriminations, puis en 2018 aux litiges relatifs à la location immobilière.
Mais les députés s'accordent sur la "trop grande complexité" du dispositif actuel et son "peu de succès".
Selon l'introduction de la proposition de loi, seules "trente-deux actions de groupe ont été intentées en France depuis 2014", contre certaines pratiques d'opérateurs téléphoniques, banques, bailleurs immobiliers ou groupes automobiles.
Et "seules six procédures ont eu un résultat positif" avec déclaration de responsabilité du défendeur ou accord amiable, à l'image d'un accord de 2017 entre l'UFC-Que Choisir et Free, qui a dédommagé ses abonnés pour des bugs lors de l'utilisation de la 3G.
Mais "force est de reconnaître que l'action de groupe n'a pas été à l'origine d'avancées significatives dans la défense des consommateurs", conviennent les députés Laurence Vichnievsky et Philippe Gosselin, respectivement ancienne magistrate et juriste, qui avaient déjà mené une mission d'information sur le sujet.
- "Un pied dans la porte" -
Leur texte entend simplifier l'accès à cette procédure, avec un régime juridique unique et des délais raccourcis. Le champ d'application de ces actions de groupe deviendrait "quasiment universel", selon les deux députés.
L'ensemble des préjudices, qu'ils soient corporels, matériels ou moraux, seraient indemnisables.
Leur proposition de loi prévoit d'étendre le nombre d'associations pouvant engager de telles actions: elles ne sont que seize à être agréées aujourd'hui.
Cent personnes physiques pourraient désormais créer une association "ad hoc" pour engager la procédure. La gauche et le RN veulent abaisser ce seuil, tandis que d'autres élus redoutent un engorgement des tribunaux.
Dans des amendements pour la séance, le gouvernement réclame lui une durée d'existence minimale d'un an pour ces associations, et la publicité de leur source de financement et de leur organisation. Plus globalement, il voudrait resserrer le type d'associations pouvant engager ces recours.
La proposition de loi permet aussi d'alléger le coût de la procédure pour les plaignants, avec la possibilité donnée au juge de faire peser sur l'Etat tout ou partie de l'avance des frais, si "l'action intentée présente un caractère sérieux".
Elle crée enfin une nouvelle sanction financière à la main des juridictions civiles, versée au Trésor public en cas de "faute intentionnelle ayant causé des dommages sériels".
En commission, elle a reçu un accueil favorable dans tous les groupes.
"On met un pied dans la porte, c'est bien. On est favorable à tout ce qui renforce la capacité du justiciable", souligne l'Insoumis Ugo Bernalicis auprès de l'AFP. "Mais ce n'est pas d'un courage politique extrême, il y a une pression du droit européen", relativise-t-il.
Laurence Vichnievsky revendique un "rééquilibrage" plus favorable aux consommateurs. Mais ne veut pas pour autant tomber dans des "dérives à l'américaine", avec des avocats qui vont parfois "un peu à la pêche aux plaignants" pour lancer des affaires.
Les auteurs de la proposition de loi précisent d'ailleurs que leur texte n'élargit pas "l'initiative" des actions de groupe aux avocats seuls, même s'ils auront "toute leur place" durant la procédure.
Dans un avis, la Défenseure des droits Claire Hédon salue les "avancées" du texte, en proposant des "améliorations", notamment pour "l'allègement complet des charges" financières du procès. Elle souhaite également la "création d’un fonds de financement des recours collectifs en matière de discrimination".