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La France a fait un pas dans la course aux armes hypersoniques avec le premier test lundi soir d'un planeur hypersonique expérimental volant à une vitesse supérieure à Mach 5, soit plus de 6.000 km/h, tout en manoeuvrant pour déjouer les capacités d'interception adverse.
Le planeur hypersonique a été largué à partir d'une fusée-sonde tirée depuis le centre d'essais de Biscarosse (sud-ouest) de la Direction générale pour l'Armement (DGA) lundi soir, a indiqué une source proche du dossier à l'AFP.
"Ce premier démonstrateur contenait de nombreuses innovations technologiques embarquées. Son essai en vol, sur une trajectoire à longue portée très exigeante, constituait un défi technique inédit qui prépare l'avenir de notre feuille de route nationale hypervélocité", a confirmé le ministère des Armées dans un communiqué.
"Les analyses techniques des nombreuses données récupérées pendant toute la durée de l'essai sont en cours pour tirer les enseignements pour la suite des vols expérimentaux", a-t-il ajouté.
Des photos mises en ligne lundi soir sur les réseaux sociaux montrent ce qui ressemble à une traînée de condensation à la trajectoire biscornue haut dans le ciel, suscitant des questions à propos d'un premier test pour ce projet lancé en janvier 2019.
La France avait émis une notification d'avertissement pour la navigation maritime et aérienne s'étendant sur un corridor d'environ 2.000 kilomètres au-dessus de l'Atlantique, valable entre le 26 et le 30 juin. Le patron de la DGA Emmanuel Chiva avait informé dès février les députés que "les démonstrations de briques technologiques pour planeurs hypersoniques (...) (seraient) bientôt entreprises".
Le projet VMaX, pour Véhicule manoeuvrant expérimental, est mené sous la maîtrise d'oeuvre industrielle d'ArianeGroup, fabricant des fusées Ariane, et vise à propulser la France dans l'ère des armes hypersoniques.
"Beaucoup de nations s'en dotent, nous disposons de toutes les compétences pour le réaliser: nous ne pouvions plus attendre", avait fait valoir Florence Parly, la ministre des Armées d'alors, en annonçant le projet.
Trois des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, dont fait partie la France, sont déjà engagés dans cette course aux armements avec leurs propres programmes: les Etats-Unis, la Chine et la Russie.
- "Quelques secondes" pour l'interception -
L'efficacité grandissante des systèmes de défense antimissiles pousse en effet les puissances à développer des armes toujours plus rapides -le seuil hypersonique permet au missile de franchir au moins 100 kilomètres par minute- et aux trajectoires imprévisibles pour déjouer les défenses.
La France conduit déjà des études sur la propulsion hypersonique dans le cadre de la modernisation de son arsenal de dissuasion nucléaire: le missile ASN4G (air-sol nucléaire de 4e génération), destiné à remplacer l'ASMP (air-sol nucléaire moyenne portée), pourrait ainsi être hypervéloce.
Dans ce domaine des missiles hypersoniques, la Russie dispose déjà du Zircon et du Kinjal, présenté comme "invincible" en 2018 par Vladimir Poutine mais dont plusieurs exemplaires ont été abattus en Ukraine, selon Kiev.
Le planeur est lui propulsé dans un premier temps par une fusée ou un missile dans la très haute atmosphère, à près de 100 kilomètres d'altitude, puis largué pour pouvoir planer sur plusieurs milliers de kilomètres tout en suivant une trajectoire imprévisible.
Contrairement à un missile balistique dont la trajectoire est prévisible, avec une arme hypersonique "ce qui est perturbant pour la défense c'est la combinaison vitesse et capacité de manoeuvre", résume un industriel.
Pour un vol d'une dizaine de minutes, le défenseur n'a que "quelques secondes pour l’intercepter", selon lui.
La Russie est, selon le Centre de recherche du Congrès américain (CRS), équipée de tels planeurs baptisés Avangard. La Chine a elle testé à au moins neuf reprises depuis 2014 son planeur DF-ZF, monté sur le missile balistique DF-17, selon un rapport du CRS.
Quant aux Etats-Unis, ils ne sont pas en reste mais reconnaissent être en retard par rapport aux Chinois et aux Russes. Ils ont consacré 2,2 milliards de dollars en 2022 aux programmes d'armes hypersoniques.
Contrairement à ceux des Russes ou des Chinois, les futurs planeurs américains ne sont pas prévus pour emporter une charge nucléaire. Ils "peuvent donc nécessiter une plus grande précision et seront plus compliqués d'un point de vue technique à développer que les systèmes russes ou chinois équipés d'une tête nucléaire", selon le rapport du CRS.