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La France ne baisse toujours pas suffisamment ses émissions pour faire sa part de la lutte contre le changement climatique et n'est pas non plus "prête à faire face" à ses effets, avertit mercredi le Haut Conseil pour le climat.
L'année 2022, nouvelle "référence" du climat à venir, le démontre, souligne cette autorité indépendante dans son rapport annuel, 200 pages d'évaluation, référence de la stratégie du pays en matière de climat.
La chaleur record et la sécheresse exceptionnelle de 2022 ont "entraîné des impacts graves en France (...) excédant la capacité de prévention et de gestion de crises actuelle", estime le HCC.
En 2022, "on n'a pas été capable de gérer (...) on a été dépassé", résume pour l'AFP sa présidente, la climatologue Corine Le Quéré.
Outre un record de température (+2,9°C par rapport à 1900-1930), l'année a été marquée par un déficit de précipitations de 25% par rapport à 1991-2020, et constitue désormais "un point de référence" des vulnérabilités françaises.
"Baisses de rendement de 10% à 30%" dans l'agriculture, production hydroélectrique "20% inférieure à la moyenne 2015-2019", tensions sur l'eau potable, surmortalité liée à la chaleur... Le HCC analyse un par un les impacts économiques et sociaux, sans oublier les effets de la sécheresse sur la biodiversité: "quasi-absence de reproductions" de certains amphibiens, "reproduction faible ou anormale" des oiseaux d'eaux.
8.000 communes ont demandé une reconnaissance en "catastrophes naturelles" à cause du retrait-gonflement des sol argileux asséchés, qui provoquent des fissures dans les bâtiments. Le coût du phénomène pour les assurances, "évalué à 2,9 milliards d'euros, est à la limite du soutenable selon la Caisse centrale de réassurance", note le HCC.
"Des années 2022, on en aura de plus en plus, elles vont s'intensifier (...) et il faut avoir une réponse vraiment urgente", alerte Corine Le Quéré, à la tête du HCC depuis sa création en 2019 par Emmanuel Macron.
L'Europe se réchauffant deux fois plus vite que l'ensemble de la planète, le gouvernement vient d'entamer l'ébauche d'une stratégie d'adaptation à un climat 4°C plus chaud d'ici la fin du siècle que par rapport au 19e siècle, avant les émissions massives de gaz à effet de serre de l'activité humaine.
Le rapport expose aussi les limites de la lutte contre les incendies, obligée l'an dernier de faire appel à des renforts étrangers. Les feux de forêt (72.000 ha brûlés) et le réchauffement du climat continuent de plus de détériorer les performances de ces puits de carbone, indispensables pour espérer tenir l'objectif de neutralité carbone en 2050.
- Budget carbone dépassé ? -
Avec 2,7% de recul en 2022, la baisse des émissions nationales se poursuit, mais à "un rythme insuffisant pour atteindre les objectifs", répète le HCC, d'autant qu'elle résulte "en partie de facteurs conjoncturels (notamment un hiver doux réduisant les besoins en chauffage)".
"Le gouvernement ne peut plus se défausser et doit réagir avec des mesures enfin structurantes", ont réagi les ONG qui poursuivent l'Etat dans "l’Affaire du Siècle".
Le gouvernement de son côté relève une baisse d'émissions plus rapide que chez les voisins.
La France s'est engagée à les réduire de 40% d'ici 2030 par rapport à 1990 et dans cette optique fixe ses plafonds d'émissions dans sa Stratégie nationale bas carbone (SNBC).
La 3e SNBC, imminente, doit être renforcée pour tenir compte de nouveaux objectifs européens (-55%). Pour y parvenir, "la baisse doit pratiquement doubler en moyenne jusqu'en 2030", rappelle Corine Le Quéré.
Mais après l'échec du premier, "le deuxième budget carbone est en voie d'être dépassé sur la période 2019-2022 du fait de la faible absorption par les puits de carbone", prévient le HCC. Leur capacité de stockage "est plus de deux fois inférieure à celle attendue par la SNBC 2", notamment du fait d'une mortalité accrue des arbres.
Le HCC réclame une "politique économique d'ampleur" nécessitant des financements publics et privés "de l'ordre de 30 milliards par an d'ici 2030" pour décarboner l'économie, en priorité le transport, premier émetteur (32%) devant l'industrie.
"Cela veut dire que toute les niches fiscales finançant les énergies fossiles doivent être supprimées, avec un calendrier", résume la présidente du HCC, dont le rapport estime à 43 milliards d'euros les dépenses défavorables au climat en 2023.