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La généralisation du Service national universel (SNU) sur le temps scolaire, dont l'hypothèse a été ravivée cette semaine, relance la polémique sur ce dispositif contesté, mais le gouvernement, soucieux de ne pas braquer la jeunesse dans le contexte inflammable des retraites, affirme que "rien n'est acté".
Le président Emmanuel Macron avait indiqué en janvier qu'il "aurait l'occasion de revenir dans les semaines à venir" sur le SNU qui avait été présenté en 2018 comme "la grande réforme de société du quinquennat" mais peine à convaincre.
Lancé en 2019 avec l'objectif de le rendre à terme obligatoire pour toute une classe d'âge (environ 800.000 jeunes par an), le dispositif vise à "impliquer la jeunesse française dans la vie de la Nation". Il suscite toutefois de vives critiques tant pour son coût que ses penchants militaristes. Ses contours futurs restent flous.
Le SNU a rassemblé 2.000 jeunes volontaires pour une première expérimentation en 2019. Puis, après une session annulée en 2020 en raison du covid, 15.000 jeunes y avaient participé en 2021 et 32.000 en 2022 (contre 50.000 attendus).
Découpé en deux phases, il propose aux adolescents âgés de 15 à 17 ans de participer à un "séjour de cohésion" gratuit, comprenant des activités sportives, culturelles et intellectuelles, avec des journées qui débutent avec la "levée des couleurs" (drapeau et hymne national) et port de l'uniforme.
Puis ils doivent prendre part à une mission d'intérêt général durant 84 heures en lien avec un service de l'armée, une association ou une administration.
En plein déroulement des "séjours de cohésion", un article de l'hebdomadaire de gauche Politis a relancé cette semaine les spéculations autour du dispositif.
Le journal cite un document de l'Education nationale qui évoque un SNU "progressivement obligatoire", après une expérimentation "à la rentrée scolaire 2023/2024 dans six départements". Ses séjours de cohésion auraient lieu "sur le temps scolaire".
Le Snes-FSU, principal syndicat enseignant des collèges et lycées, a donné du crédit à ces informations en précisant que le Cher, les Hautes Alpes, les Vosges, le Finistère, la Dordogne et le Var "seraient les (mal-)heureux élus" pour un SNU "obligatoire pour les élèves de seconde à partir de janvier 2024", avant une extension à "20 départements" en 2025 et une "généralisation totale en 2026".
- "mise au pas" -
Dans l'entourage de Sarah El Haïry, secrétaire d'Etat chargée de la jeunesse et du SNU, on indique qu'elle "continue de travailler sur les deux hypothèses qui tiennent la corde: celle d'une éventuelle généralisation sur le temps scolaire", qui a sa préférence, et "celle d'un SNU qui ne serait pas généralisé sur le temps scolaire et resterait volontaire, mais inclurait des dispositifs incitatifs comme l'obtention du permis de conduire ou du Bafa".
"Surtout, elle attend l’arbitrage du Président", dont le calendrier est "assez chargé". Celui-ci pourrait intervenir "cette année scolaire", entre mars et juin, mais "rien n’est acté à ce stade".
"Il n'y a pas d’urgence", temporise une source gouvernementale à l'AFP.
Ce d'autant qu'en pleine mobilisation contre la réforme des retraites, certains estiment peu opportun de relancer ce sujet. "Les jeunes n'en veulent pas!", martèle la Fage, premier syndicat étudiant.
"C'est mieux d'avoir un débat apaisé et de trouver le moment adéquat", juge Thomas Gassilloud (Renaissance), président de la commission de la Défense de l'Assemblée nationale. "Le débat peut être plus tard en 2023".
"Cette mascarade n'apportera aucun des objectifs qui lui ont été fixés", fustige le député (LFI) Bastien Lachaud dont le mouvement milite pour une "conscription citoyenne des jeunes adultes" rémunérée.
Pour l'élu, le gouvernement veut "mettre au pas" la jeunesse.
Une généralisation continue par ailleurs de poser nombre de questions.
"Comment assurer toute la logistique nécessaire à l’accueil de plus de 800.000 jeunes par an? La France manque de structures adaptées pour les faire manger, dormir, bouger, etc. Il manque aussi les adultes indispensables pour les encadrer", s'interroge le syndicat Unsa Education.
Pour l'historienne Bénédicte Chéron, spécialiste des relations armées-société, il y a en outre "un vrai sujet de fond sur la question de l’obligation d’un séjour civique". "Cela n’existe dans aucune démocratie", souligne-t-elle.