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Fervent défenseur de la concertation et du compromis, Laurent Berger, 54 ans, a fait de la CFDT le premier syndicat français et s'est mué en opposant numéro un à la réforme des retraites.
Longtemps, ses détracteurs ont pensé qu'il cèderait. Sempiternel procès en trahison fait aux "réformistes". Après tout, la CFDT n'avait-elle pas soutenu la réforme des retraites de 2003, accompagné celle de 2014, appelé de ses voeux le projet avorté de système "universel" en 2020 ?
Mais Laurent Berger n'a pas cillé. Au grand dam d'Emmanuel Macron qui comptait sur son "esprit de responsabilité" pour fissurer l'intersyndicale. Sauf que cette fois-ci, le syndicaliste a joué l'unité plutôt que le compromis.
Une intransigeance qui a parachevé la rupture avec le chef de l'Etat, furieux que la CFDT n'ait, selon lui, "rien proposé" pour l'aider à faire passer les 64 ans. Comme si son leader avait eu le choix.
Lors de son dernier congrès en juin, la CFDT a rejeté tout recul de l'âge de départ à la retraite, comme tout allongement de la durée de cotisation.
Depuis son arrivée à la tête du syndicat en 2012, M. Berger a joué le jeu des discussions sur la loi travail en 2016, est resté en retrait des manifestations contre les ordonnances Pénicaud en 2017, puis a prôné l'ouverture sur la réforme de la SNCF en 2018.
Avec un tel pedigree, l'homme allait forcément adopter un "discours nuancé", pariait un ministre avant Noël, doutant que le cédétiste "trépigne d'impatience de manifester avec la CGT et SUD".
Au contraire, répond l'intéressé: défiler ? "J'adore ça, je le fais depuis que je suis tout petit".
- A bonne école -
L'enfant de Guérande (Loire-Atlantique), fils d'un ouvrier soudeur des chantiers navals de Saint-Nazaire et d'une auxiliaire de puériculture, a été à bonne école.
Entré à la CFDT pendant ses études à Nantes, il rejoint la capitale une fois sa maîtrise d'histoire en poche, pour prendre les rênes de la Jeunesse ouvrière chrétienne de 1991 à 1994.
De retour dans son département, il pointe brièvement au chômage et côtoie la précarité en tant que conseiller en insertion professionnelle.
Il gravit en parallèle tous les échelons syndicaux, de la section locale nazairienne en 1996, à l'union régionale en 2003, jusqu'au saint des saints, la commission exécutive confédérale, en 2009.
Adoubé par François Chérèque, il lui succède trois ans plus tard au poste de secrétaire général. Sous sa direction, la CFDT va s'imposer comme la première organisation syndicale française, aux dépens d'une CGT en perte de vitesse.
Ce qui ne l'a pas empêché de nouer, au fil du temps, une relation empreinte de respect et d'estime mutuelle avec son homologue Philippe Martinez, parti fin mars au terme d'un congrès houleux.
Leur complicité a sans doute cimenté l'intersyndicale, tandis que la fin de règne compliquée du célèbre métallurgiste moustachu a laissé à Laurent Berger tout l'espace médiatique pour s'imposer comme la tête de proue de la contestation depuis janvier.
Au point d'agacer certains partisans d'une ligne dure, déçus de ses appels à "mettre la France à l'arrêt" plutôt qu'à la grève générale, à une "médiation" plutôt qu'au retrait pur et simple de la réforme des retraites.
Marié et père de trois enfants, le futur ex-patron de la CFDT a préparé sa succession. Sa dauphine désignée, Marylise Léon, prendra sa suite le 21 juin.
Et après? Lui jure à chaque occasion qu'il ne fera "pas de politique". Mais son "pacte du pouvoir de vivre" lancé en 2019 avec des dizaines d'associations, pourrait lui offrir une tribune pour continuer à interpeller le pouvoir.