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Emmanuel Macron s'est dit vendredi "à disposition de l'intersyndicale" pour discuter des questions liées au travail, mais sans remettre en cause sa réforme des retraites. Le chef de l’État ne veut pas d'un "pays à l'arrêt" et entend "continuer à avancer" malgré la colère sociale qui a provoqué le report de la visite d’État de Charles III.
L'annonce a été faite au lendemain d'une nouvelle journée de mobilisation marquée par un regain de tensions dans plusieurs villes de France, avocats et opposition dénonçant des violences policières.
Le Conseil de l'Europe s'est alarmé d'un "usage excessif de la force par les agents de l'Etat", exhortant à ne pas "priver les manifestants pacifiques de la jouissance du droit à la liberté de réunion".
Pour "apaiser les choses", le patron de la CFDT Laurent Berger a appelé le président de la République à mettre "en pause" pendant six mois la réforme des retraites, projet phare de son second quinquennat.
Depuis Bruxelles, où il assistait à un Conseil européen, Emmanuel Macron n'a pas accédé à cette demande.
"J'ai indiqué notre disponibilité à avancer sur des sujets comme l'usure professionnelle, les fins de carrière, les reconversions, l'évolution des carrières, les conditions de travail, les rémunérations dans certaines branches", a-t-il déclaré. "Et donc je suis à la disposition de l'intersyndicale si elle souhaite venir me rencontrer pour avancer sur tous ces sujets".
"Pour le reste et la réforme des retraites, elle est devant le Conseil constitutionnel et il est évident que nous attendrons (sa) décision", d'ici moins d'un mois, a-t-il ajouté.
Une réponse insuffisante pour les organisations syndicales.
"Personne ne va aborder de nouveaux dossiers en esquivant les retraites", a assuré le secrétaire national du syndicat, Yvan Ricordeau.
Le chef de l'Etat dit "qu'il veut discuter avec les syndicats... mais pas des retraites ! C'est une nouvelle provocation", a dénoncé Simon Duteil, co-délégué général de l'union syndicale Solidaires.
Les organisations syndicales avaient demandé, le 8 mars, à être reçues en urgence par Emmanuel Macron, qui leur avait opposé une fin de non-recevoir. La Première ministre Élisabeth Borne les avait alors renvoyés vers le ministre du Travail Olivier Dussopt.
-"Bon sens" pour Charles III-
Emmanuel Macron a également dû se justifier sur le report de la visite d’État de Charles III, pour laquelle 4.000 policiers et gendarmes devaient être mobilisés.
Ce report, à la demande d'Emmanuel Macron, selon Downing Street, est un sérieux camouflet pour le président français puisque le monarque britannique avait tenu à effectuer en France sa première visite officielle à l'étranger en tant que souverain.
"Le bon sens et l'amitié nous conduisent à proposer un report". "Nous ne serions pas sérieux et nous manquerions d'un certains bon sens", à "proposer une visite au milieu des manifestations", a indiqué Emmanuel Macron.
Charles III était notamment attendu à Bordeaux, théâtre d'incidents jeudi avec le porche de l'hôtel de ville incendié.
Les oppositions se sont immédiatement emparées de ce report.
"La réunion des rois à Versailles dispersée par la censure populaire", s'est réjoui le leader de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon, en référence au dîner d’État qui était prévu au château des rois de France.
"Quelle image pour notre pays de n’être même pas en capacité d’assurer la sécurité d’un chef d’État", a réagi le patron des Républicains, Éric Ciotti.
Entrée dans son troisième mois, la contestation a rassemblé jeudi dans les rues entre 1,089 million de personnes (Intérieur) et 3,5 millions (CGT).
Saccages, incendies, affrontements avec les forces de l'ordre: la violence qui n'avait jusqu'ici été que sporadique, a fait une entrée en scène spectaculaire.
L'exécutif "ne cèdera rien à la violence", a déclaré depuis Bruxelles Emmanuel Macron. "En démocratie, on n'a pas le droit à la violence".
Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a dénoncé de son côté des "casseurs qui veulent tuer des policiers".
A Paris, des violences ont éclaté en tête de la manifestation avec leur lot de vitrines brisées et de mobilier urbain détruit. Des incidents se sont poursuivis tard dans la soirée dans le sillage de cortèges sauvages, à rebours d'un défilé où la grande majorité des manifestants a marché pacifiquement.
Gérald Darmanin a fait état de 457 interpellations, et de 441 blessés dans les rangs des forces de l'ordre.
Il a annoncé onze enquêtes judiciaires confiées à l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), alors que de nombreux observateurs évoquent un durcissement du maintien de l'ordre.
De nouveaux appels à des rassemblements vendredi soir et samedi à Paris circulaient sur les réseaux sociaux. En attendant la prochaine journée de mobilisation à l'appel de l'intersyndicale, le 28 mars.
"Il faut que tout le monde appelle au calme", a commenté la présidente (Renaissance) de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet.
L'ancien Premier ministre socialiste Bernard Cazeneuve a appelé à "la désescalade".
Et, pour Marine Le Pen (RN), "Emmanuel Macron ne peut plus gouverner seul, il doit désormais en revenir au peuple".
Vendredi, des blocages perduraient dans les universités, notamment à Paris et Lyon. Et les syndicats lycéens Fidl et la Voix lycéenne appellent à une mobilisation à partir de lundi et jusqu'à la fin de la semaine.
Le secteur de l'énergie (gaz, pétrole, électricité) reste particulièrement mobilisé mais l'approvisionnement du bassin parisien en carburants par la grande raffinerie de TotalEnergies de Gonfreville-L'Orcher (Normandie) a repris après une intervention des forces de l'ordre.
Les mobilisations contre les méga-bassines dans les Deux-Sèvres ce weekend s'annoncent comme un nouveau défi pour l'exécutif.
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