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"C'est parce que je suis gay que j'ai été poignardé": un documentaire de Mediapart diffusé à partir de mercredi décrypte les guets-apens qui visent à piéger des personnes homosexuelles, un phénomène qui persiste aujourd'hui en France.
Fruit d'une enquête de plusieurs mois, "Guet-apens. Des crimes invisibles" met en lumière ces pièges, parfois mortels, qui ciblent des personnes homosexuelles sur des applications ou des lieux de rencontre.
"On ne s'imagine pas qu'aujourd'hui ça existe", a commenté David Perrotin, journaliste pour Mediapart, l'un des trois co-réalisateurs du documentaire, à l'issue d'une projection pour la presse.
"On a voulu montrer aussi ce que ça voulait dire: une violence, des traumatismes sur plusieurs années", a-t-il complété.
Le documentaire de 65 minutes rassemble de nombreux témoignages, de victimes, mais aussi d'agresseurs, d'avocats et d'enquêteurs de police.
"C'est parce que je suis gay que j'ai été poignardé. On peut mourir d'être simplement soi", constate Kevin, victime d'une agression homophobe à Drancy en 2019, qui témoigne dans le documentaire.
Alors qu'il pensait rencontrer un homme avec lequel il discutait sur une application, trois jeunes se sont présentés au rendez-vous. Ils l'ont roué de coups avant de le laisser pour mort dans la rue.
L'agression a été filmée par la caméra de la voiture de la victime. Les images sont diffusées dans le documentaire.
- Au moins 300 victimes -
"On est parti de l'histoire de l'agression de Kevin, on a contacté l'avocat pour demander s'il y avait d'autres cas et il nous a sorti des dossiers et des dossiers", a décrit Sarah Brethes, journaliste pour Mediapart et co-réalisatrice du documentaire.
Pour évaluer l'ampleur du phénomène, les journalistes ont parcouru la presse et les archives des associations LGBT+.
Ils ont recensé au moins 300 victimes de guets-apens homophobes depuis cinq ans, en très grande majorité des hommes gays ou bisexuels. Cela représente une victime par semaine.
"On ne s'attendait vraiment pas à trouver ce chiffre. Il nous surprend par son ampleur", a commenté David Perrotin. Il s'agit toutefois d'un chiffre à minima. Pour chaque affaire, "il y a cette certitude qu'il y a beaucoup plus de victimes", a-t-il ajouté.
Nombre d'entre elles ne portent pas plainte, très souvent par honte, ont constaté les journalistes au cours de leur enquête.
Le magazine LGBT+ Têtu a également réalisé récemment un décompte de ces guets-apens à partir des articles de 14 titres de presse quotidienne régionale. Ils ont dénombré 72 victimes au cours des trois dernières années.
- Justice -
Le documentaire examine aussi la réponse de la police et de la justice.
Il décrit notamment la difficulté de la justice à faire condamner l'homophobie, pourtant reconnue par la loi comme une circonstance aggravante, ce qui permet d'alourdir la peine encourue.
Ce premier documentaire, entièrement produit par Mediapart, sera diffusé sur le site du journal à partir de mercredi.
"L'idée c'est aussi qu'il serve, qu'il soit un support de discussion", a précisé Mathieu Magnaudeix, co-responsable du pôle vidéo de Mediapart et co-réalisateur.
Il sera ainsi projeté dans différentes salles et lieux en France, en lien avec des associations LGBT+ ou lors d'évènements autour de la lutte contre l'homophobie.
Précédemment, Mediapart avait co-produit avec l'agence de presse Premières Lignes un documentaire intitulé "Media Crash". Sorti en salles en février l'an dernier, il dénonçait la concentration des médias.