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"Pas encore les nôtres!": des membres de la communauté kurde manifestent leur colère après le drame à Paris, des échauffourées éclatent

Dans le quartier kurde de Paris, à 100 mètres du lieu des tirs meurtriers vendredi, des membres de la communauté kurde se sont aussitôt rassemblés pour crier leur colère et chagrin. Avec en tête le triple assassinat de kurdes du PKK, il y a neuf ans, dans le même arrondissement.

Un groupe d'une dizaine d'amis kurdes arrivent en courant. Vite effondrés sur le trottoir, ils éclatent en pleurs, en cris, aux pieds des policiers. "Ça recommence, vous ne nous protégez pas. On nous tue!", hurle en pleine rue une jeune réfugiée kurde (qui a refusé d'être identifiée) avant de prendre son visage dans ses mains et d'être sortie de la foule par ses camarades en état de choc.

Trois personnes ont été tuées par balles et trois autres blessés peu avant midi, rue d'Enghien, au niveau du centre culturel kurde Ahmet Kaya.

La foule ne sait pas encore que le tireur présumé, interpellé et placé en garde à vue, est un Français de 69 ans, conducteur de train à la retraite, connu pour s'être déjà attaqué avec un sabre à des migrants dans un camp du XIIe arrondissement, selon les premiers éléments de l'enquête.

Parmi les dizaines de Kurdes rassemblés, bouleversés, les rumeurs d'attaque "politique" galopent. Des slogans fusent déjà: "extrême droite, assassin!" ou "Erdogan, assassin!", visant le président turc.

La police lance des gaz lacrymogènes, les manifestants ripostent

Et en milieu d'après-midi, le rassemblement a dégénéré en échauffourées avec la police. La police a fait usage de gaz lacrymogènes pour disperser des manifestants.
Ces incidents ont débuté lorsque la foule s'est heurtée à un cordon de forces de l'ordre qui protégeait le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, venu sur place pour faire le point sur l'enquête et s'adresser aux journalistes.

Les forces de l'ordre ont tiré des grenades lacrymogènes sur les manifestants, qui ont en retour lancé des projectiles dans leur direction, brûlé des poubelles et érigé des barricades dans la rue. Des échauffourées étaient toujours en cours peu avant 17H00.

 

Traumatisme de 2013

Ce vendredi, un frère et une soeur devaient se retrouver dans un petit restaurant kurde du quartier quand ils ont vu la police arriver et boucler la rue du centre culturel kurde. Ils disent avoir compris immédiatement. "Je me suis dit ce n'est pas possible que ça recommence, pas les nôtres", dit la soeur, Jihan Akdogan. "On savait très bien que ça recommencerait", répond le frère, Juan Golan Elibeg, 41 ans.

Au milieu des Kurdes de tous âges et de soutiens de l'opposition pro-kurde, ils se prennent dans les bras, tentent de récupérer les premières informations.

Pour l'heure, le parquet national antiterroriste et ses services sont venus sur place mais il n'y a "aucun élément qui privilégierait la nécessité de leur saisine", a expliqué la procureur de la République de Paris. Les motifs racistes des faits "vont évidemment faire partie des investigations", a-t-elle ajouté.

Mais les kurdes présents revivent le traumatisme d'il y a neuf ans: non loin de là, le 9 janvier 2013, Sakine Cansiz, 54 ans, une des fondatrices du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), Fidan Dogan, 28 ans, et Leyla Saylemez, 24 ans, avaient été tuées de plusieurs balles dans la tête au siège du Centre d'information du Kurdistan.

"Ça nous renvoie a ce qu'il s'est passé en 2013. Des informations qui nous parviennent, cette personne a eu le temps de charger son arme plusieurs fois, il n'y avait pas de sécurité et s'il y en avait, ils n'ont rien pu faire pour les protéger", dit Jihan Akdogan, 30 ans, qui se présente comme "interprète" et "patriote kurde". "Une réunion de femmes était prévue dans l'après-midi. Il y aurait pu y avoir encore plus de victimes", ajoute la jeune femme.

Aors les esprits s'échauffent. Une réfugiée turque d'opposition, qui se présente comme "Julie" refusant de donner son nom de famille, se dit persuadée que "c'est une attaque politique" et que "le centre culturel était directement visé".

L'unique suspect du triple assassinat de 2013, le Turc Omer Güney, est mort d'un cancer en décembre 2016, à la veille de son procès devant la cour d'assises spéciale de Paris. Mais les parties civiles ont obtenu en 2019 que soient relancées des investigations pour examiner l'implication potentielle des services de renseignement turcs.

Les deux juges d'instruction chargés de cette information judiciaire ont récemment reçu les parties civiles pour faire un point sur l'avancée des investigations, a indiqué à l'AFP une source proche du dossier, précisant qu'il restait des actes d'enquête et des vérifications à réaliser.

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