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Recrutements décalés, aides à la formation rabotée... Pour respecter son engagement à redresser des finances publiques dégradées, le gouvernement français va opérer des coupes claires dans les dépenses publiques en 2024, sur fond de crainte d'une dégradation de sa notation financière.
A total, ce sont 10 milliards d'euros d'économies supplémentaires qui ont été annoncées pour cette année, sur un total de plus de 660 milliards d'euros de dépenses budgétées. Objectif: tenir le déficit public à 4,4% du produit intérieur brut (PIB), face à une prévision de croissance abaissée à 1% dans un contexte de tensions géopolitiques et de ralentissement économique, notablement en Chine et en Allemagne.
"Ce contexte, il est incroyablement difficile et incroyablement menaçant", a commenté le ministre français de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire, lundi devant la presse.
"Si demain la situation devait encore s'aggraver en mer Rouge, bien sûr que ça aura un impact sur la croissance. Si demain la situation s'aggrave en Ukraine, bien sûr que cela aura un impact sur la croissance", a-t-il prévenu, évoquant également les taux élevés destinés à refroidir l'inflation mais qui pénalisent les investissements.
Ce nouveau serrage de vis s'ajoute aux 16 milliards d'économies déjà inscrites dans le budget pour 2024, provenant pour l'essentiel de la suppression du bouclier énergétique. Il intervient avant la décision très attendue des principales agences de notation au printemps sur la note de la dette française.
Il s'agit, selon Bruno Le Maire, de faire preuve de "responsabilité", alors que le gouvernement exclut catégoriquement toute hausse d'impôts.
Le verdict de Fitch et Moody's est attendu le 26 avril, celui de S&P Global Ratings le 31 mai, juste avant les élections européennes. Une dégradation serait un mauvais signal pour la France, actuellement au rang des mauvais élèves européens en terme de bonne tenue des finances publiques.
Signe de la difficile équation budgétaire à laquelle est confronté l'exécutif, une source à Bercy a signalé lundi qu'il serait "probablement difficile de tenir" l'objectif d'un déficit à 4,9% du PIB pour 2023.
"Nous avons demandé à l’État de se serrer la ceinture. Et nous avons fait le choix de ne pas toucher au budget de la sécurité sociale ou de ne pas toucher au budget des collectivités locales", a déclaré Bruno Le Maire.
- "Effet récessif" -
Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a salué le maintien de l'objectif d'un déficit à 4,4%. "Tenir nos engagements contribue à préserver la crédibilité de la France et un taux des emprunts d'Etat à long terme suffisamment bas", a-t-il commenté sur LinkedIn.
Mais pour le président de la Commission des finances de l'Assemblée nationale Eric Coquerel (LFI), "une telle baisse des dépenses publiques lorsque la croissance est en berne risque d'avoir un effet récessif pesant lourdement sur l'activité économique".
La moitié des économies, soit cinq milliards d'euros, devront être trouvées sur le budget de fonctionnement des ministères.
Par exemple, 700 millions proviendront de moindres dépenses de personnel et 750 millions d'une baisse sur les achats de l’État, a détaillé le ministre chargé des Comptes publics, Thomas Cazenave.
Évoquant une mesure "juste" et "nécessaire", ce dernier a également annoncé la mise en place dès 2024 d'une participation forfaitaire des salariés au compte personnel de formation (CPF), de quoi générer 200 millions d'euros d'économies sur 2,2 milliards de dépenses prévues cette année.
Les personnes seront exonérées du reste à charge si l'employeur abonde ou si elles sont au chômage, a précisé Bercy. Son montant doit encore être arrêté "mais il a vocation à se situer au minimum à 10% du coût de la formation".
- "Au moins 12 milliards" en 2025 -
Parmi les autres politiques publiques que Bercy souhaite réviser, M. Cazenave a cité une augmentation revue en baisse de 1 milliard d'euros de l'enveloppe d'aide à la rénovation énergétique MaPrimeRénov, et 800 millions de moins pour l'aide publique au développement.
Le décret d'annulation de ces 10 milliards d'euros de crédit doit être pris cette semaine, et un projet de loi de finances rectificative pourrait suivre éventuellement cet été. Un autre décret doit préciser les modalités pour le CPF en avril, selon Bercy.
A moyen terme, le gouvernement ambitionne de rentrer dans les clous européens en faisant repasser le déficit public sous la barre des 3% en 2027.
Il a d'ores et déjà prévenu que les efforts devront se poursuivre en 2025, avec une revue des dépenses qui devra aboutir à "au moins 12 milliards d'euros" d'économies, selon Bruno Le Maire.