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"Ramener tout le monde à la maison", la mission du chef de district de Crozet

Longiligne, barbe de trois jours et bonnet sur la tête, Cyrille Jacob a passé sur son épaisse parka une écharpe tricolore. Pour le chef de district des îles Crozet, il est l'heure d'accueillir ceux qui vont devenir, visiteurs de quelques heures ou résidents d'une longue année, ses administrés.

Le navire de ravitaillement Marion Dufresne ne fait escale que quatre fois par an dans le lointain archipel des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), perdu à l'extrême sud de l'océan Indien.

Mais à chaque fois qu'il déverse en hélicoptère ses passagers et sa cargaison, c'est toujours un événement pour la trentaine d'hivernants, scientifiques, militaires ou volontaires du service civils, qui passent une année loin de tous et de tout sur la base Alfred Faure.

"La ligne de conduite du chef de district, c'est de ramener tout le monde à la maison en bonne santé physique et psychologique", résume Cyrille Jacob. "Les décisions sont guidées par ça en priorité, parce qu'il faut au minimum cinq jours pour avoir un bateau de secours".

A 50 ans, cet ancien directeur de la prévention et de la gestion des risques de la ville de Grenoble pendant dix-sept ans a changé de vie en prenant en août 2022 les rênes administratives de l'archipel de Crozet.

"Je me posais la question de mon avenir professionnel. J'en ai discuté avec ma femme, à qui je n'avais jamais osé en parler, et elle m'a dit +pourquoi tu ne postules pas ? (...) C'est une occasion unique+", raconte-t-il.

- Météo incontournable -

Deux jurys et une batterie de tests médicaux et psychologiques plus tard, cet habitué de la "gestion de crise" s'installe dans la "résidence", un chalet en bois au centre de la vingtaine de bâtiments de la base. Représentant du préfet des TAAF, il est officier d'état-civil mais aussi officier de police judiciaire, habilité à prendre des plaintes, à conduire des enquêtes.

"C'est une autorité qui est capable de démêler plein de situations administratives potentiellement inextricables", glisse Cyrille Jacob.

Mais l'essentiel de son travail et de son temps est ailleurs: la gestion des femmes et des hommes présents sur la base, "du management du petit déjeuner jusqu'au coucher..."

Quand il s'attable au réfectoire dès 6h00 du matin, les conversations tournent autour de la météo toujours rude de l'archipel, qui décide des activités de la journée. Jamais de températures négatives mais des vents violents et une pluie omniprésente, même pendant l'été austral.

"Quand on a trop de vent, trop de pluie, trop de neige, on interdit les sorties de la base", décrit-il, "car on se tord une cheville sur un gros transit et potentiellement, c'est l'hypothermie et tout qui se dégrade". Si le chef de district (Discro) en donne l'ordre, les scientifiques qui partent souvent à pied pour observer manchots royaux, otaries ou éléphants de mer sont contraints de rester dans leurs quartiers.

- "Coup de mou" -

Collé en permanence à sa radio VHF, le chef de district Jacob reste attentif à tous les échanges, même quand il n'en est pas destinataire.

En plus de la santé physique de ses troupes, il surveille comme le lait sur le feu, avec la médecin de la base, leur moindre "coup de mou". Il fait aussi régulièrement un point "de l'état d'esprit sur la base avec la psychologue" des TAAF, basée à Saint-Pierre à la Réunion.

"Quand c'est la crise, c'est déjà trop tard. Donc il faut très en amont connaître ses équipes", plaide Cyrille Jacob, "il faut aller les voir très régulièrement sur le terrain (...) prendre la température du moral, bien reconnaître le travail des uns et des autres".

Le chef de district conçoit sa fonction comme un "pilotage assez fin" entre l'autorité, l'exemple et la confiance.

"Je fais toutes les tâches collectives, je suis toutes les formations, dès que je peux j'aide les scientifiques. Je ne me considère pas au-dessus de la mêlée", détaille M. Jacob.

Mais il "ne reste pas très longtemps dans les soirées. C'est pas la place du chef de district de tenir le bar et d'être là jusqu'au bout de la nuit". "Si je veux être crédible le jour où il va faire du gros temps, il faut être reconnu avant la crise, sinon c'est trop tard".

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