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L'article 1er a été adopté au bout de longues heures, et les débats butent sur des attaques ad hominem: l'examen de la réforme des retraites était à la peine vendredi à l'Assemblée nationale, à la veille d'une nouvelle mobilisation espérée massive par les syndicats.
Un tweet polémique de l'Insoumis Thomas Portes, et le refus de ce dernier de s'en excuser, sont à l'origine d'une interruption momentanée des débats, dans l'attente d'une possible sanction.
Le député, ceint de son écharpe tricolore, s'est mis en scène jeudi sur le réseau social, le pied posé sur un ballon à l'effigie du ministre du Travail, Olivier Dussopt. Il s'est attiré les foudres du camp présidentiel, qui a dénoncé "un appel explicite à la haine et à la violence", tandis que le leader insoumis, Jean-Luc Mélenchon, a critiqué une "propagande" contre son mouvement.
Vendredi après-midi dans l'hémicycle, M. Portes n'a pu défendre un amendement au projet de réforme des retraites, sa voix étant couverte par les huées. La majorité lui a demandé "des excuses", ce qu'il a refusé.
"Je retirerai mon tweet le jour où vous retirerez votre réforme qui va sacrifier des milliers de gens", a défié l'Insoumis.
Au bout d'une série de rappels au règlement et après deux suspensions de séance, la présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet a annoncé qu'elle convoquait le bureau de l'institution, plus haute instance collégiale, en raison du "tumulte" provoqué par M. Portes.
La matinée s'était pourtant déroulée sans trop d'embûches.
Par un vote relativement serré, les députés ont validé par 181 voix contre 163 l'article 1er du projet de loi, prévoyant l'extinction progressive de la plupart des régimes spéciaux.
A coup de centaines d'amendements, la coalition de gauche Nupes a prôné le maintien des régimes visés, ceux de la RATP, des industries électriques et gazières (IEG) ou de la Banque de France. A l'inverse, la majorité présidentielle a défendu leur fin, par mesure "d'équité".
Quelque 16.000 amendements restent à discuter en une semaine, sur les 19 autres articles du projet très contesté.
Dans une rare prise de parole sur ce sujet brûlant, et à la veille d'une quatrième journée de manifestations, Emmanuel Macron a appelé vendredi les organisateurs de la contestation à conserver leur "esprit de responsabilité" afin que "les désaccords puissent s'exprimer, mais dans le calme, le respect des biens et des personnes, et avec une volonté de ne pas bloquer la vie du reste du pays".
L'intervention présidentielle, depuis le sommet européen de Bruxelles, n'a pas été du goût de Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT. "Excusez-moi, mais bordel, on n'est pas responsables depuis le début?", s'est-il énervé. Le report de l'âge de la retraite de 62 à 64 ans suscite "un profond rejet", a-t-il rappelé.
Les trois premières mobilisations ont réuni sans incidents notables entre 757.000 personnes selon l'Intérieur (2 millions selon les organisateurs) le 7 février, et 1,27 million (2,5 millions) le 31 janvier.
Samedi, les syndicats espèrent mobiliser ceux qui ne peuvent pas faire grève en semaine.
De source policière, le renseignement territorial prévoit une participation de 600.000 à 800.000 dans 240 manifestations environ, dont entre 90 et 120.000 à Paris.
L'intersyndicale (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, Solidaires, FSU) a déjà appelé à deux nouvelles journées d'actions, les 16 février et 7 mars et se prépare à un long bras de fer, le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez évoquant de possibles "grèves plus dures, plus nombreuses, plus massives et reconductibles".
Au Palais Bourbon, l'examen du texte n'a donné lieu pour l'instant qu'à des débats répétitifs et des invectives. "Ca serait bien que le Parlement devienne autre chose qu'un champ de foire", a glissé Laurent Berger, appelant à "débattre du fond".
Gauche et RN refusent le recul de l'âge de départ à 64 ans. Les moyens d'y parvenir dans le débat parlementaire diffèrent cependant.
Côté gouvernement, le ministre des Relations avec le Parlement Franck Riester, a fustigé M. Portes et une Nupes (LFI, PS, PCF, EELV) qui essayent "de faire de cette mobilisation sociale un déferlement de haine".
Au sein même de la gauche, le patron du PS, Olivier Faure, a déploré "des gestes condamnables qui desservent la cause".
Au-delà, les macronistes fustigent l'"obstruction" des députés de gauche, qui ont déposé des amendements par milliers, souvent identiques pour multiplier leur temps de parole.
"Ils restent sur leur rhétorique, répétée en boucle, sur les histoires d'Esmeralda et de Jacqueline qui ont mal au dos", soupire un député Renaissance. Le RN pointe aussi du doigt cette attitude "absurde" et "qui rend service au gouvernement", selon Marine Le Pen.
La Nupes rétorque que c'est le gouvernement qui a choisi des débats jusqu'au 17 février seulement, date couperet avant une transmission du texte au Sénat.