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Un congrès fratricide, et, au bout de la nuit, une élection surprise en forme de happy end: Sophie Binet a été élue vendredi secrétaire générale de la CGT, devenant la première femme à prendre la tête du syndicat depuis sa création en 1895, avec la lourde charge de rassembler une organisation en crise, en pleine bataille sur la réforme des retraites.
A la tribune et dans les travées du 53e Congrès de la CGT, dans la banlieue de Clermont-Ferrand, les congressistes ne cachaient pas leur soulagement, après avoir vécu ce que certains décrivent comme "le congrès le plus difficile" de l'histoire de la CGT.
"Je suis ravie, parce que Sophie est une jeune femme brillante qui va porter nos valeurs jusqu'au bout et qui ne va rien lâcher, et c'est très bien", a témoigné Isabelle Morere, de la fédération de la Santé.
Sophie Binet a été élue par le comité confédéral national au petit matin, au terme d'une nuit blanche au cours de laquelle ni la candidate désignée par la direction sortante, Marie Buisson, ni celle qui depuis plusieurs semaines construisait à bas bruit sa candidature, Céline Verzeletti, n'ont réussi à obtenir la majorité des suffrages.
"On a vécu un congrès difficile, compliqué, et on a su par notre sens des responsabilités collectives, surpasser les difficultés. Et je suis sûre qu'on réussira à sortir avec une CGT largement rassemblée pour répondre à tous les défis qui sont les nôtres", a lancé Sophie Binet dans son discours, chaleureusement applaudi, et émaillé de chants militants.
Secrétaire générale de la fédération des cadres (Ugict) depuis 2018, Sophie Binet, âgée de 41 ans, est une ancienne membre du syndicat étudiant Unef, du PS et ancienne conseillère principale d'éducation (CPE).
Issue de la commission exécutive confédérale, la direction élargie de la CGT, elle était référente du collectif femmes mixité et elle est engagée sur les questions environnementales et l'égalité hommes-femmes.
A la tribune du congrès, elle a remercié son prédécesseur, Philippe Martinez: "tu as réussi à amener pour la première fois une femme à la tête de la CGT, et je sais que ça te tenait particulièrement à cœur", lui a-t-elle dit.
- Une "bonne nouvelle" -
Signe de sa volonté de rassembler, son bureau exécutif compte des représentants de la direction sortante, tel Boris Plazzi, comme des opposants: Sébastien Menesplier (fédération Mines Energie) ou Laurent Brun (fédération des cheminots), élevé au rang d'administrateur, soit le numéro deux de l'organisation.
Mme Binet a clarifié dans son discours la position de la CGT concernant le rendez-vous entre l'intersyndicale et la Première ministre, mercredi prochain à Matignon: "l'intersyndicale unie" rencontrera Elisabeth Borne "pour exiger le retrait de la réforme" des retraites, a-t-elle tonné à la tribune.
Elle a cependant dit l'opposition de la CGT à l'hypothèse d'une "médiation" conformément à un "appel" voté jeudi soir au congrès, qui prend ses distances avec cette idée portée par l'intersyndicale et approuvée par Philippe Martinez mardi.
En déplacement dans la Nièvre, Mme Borne s'est réjouie "que l'intersyndicale réponde à (son) invitation". Elle a en outre jugé que l'accession de Mme Binet à la tête de la confédération était "une bonne nouvelle pour toutes les femmes".
Cette élection clôt une semaine de congrès houleux, reflet des fractures profondes de la CGT et de la défiance de nombre d'organisations vis-à-vis de la direction sortante, au premier rang desquelles plusieurs puissantes fédérations industrielles (cheminots, énergie, chimie).
Mardi, les congressistes ont rejeté le rapport d'activité de la direction sortante (50,32% des voix contre), un événement sans précédent dans l'histoire de la CGT et un désaveu majeur pour Philippe Martinez et sa dauphine.
Les débats sur le document d'orientation ont montré les désaccords entre les cégétistes sur les liens de la CGT avec les syndicats qui lui sont proches (FSU et Solidaires), sur l'écologie ou encore sur les questions internationales, certains demandant toujours que la CGT adhère à la Fédération syndicale mondiale (FSM) qu'elle a quittée en 1995.
Point de crispation particulièrement aigu, la question de l'appartenance de la CGT au collectif "Plus jamais ça", qu'elle a cofondé en mars 2020 avec des ONG et des associations, dont Greenpeace et Oxfam, et où elle était représentée par Marie Buisson.
Si la mention de "Plus jamais ça" a disparu du document d'orientation, l'idée de lier les questions environnementales et les questions sociales reste bien une colonne vertébrale pour la CGT, a expliqué Mme Binet.