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C'est un désaveu qui laissera des traces dans la majorité: les députés Horizons, et derrière eux Edouard Philippe, ont défendu en vain jeudi des peines minimales contre les récidivistes, rejetées par leurs alliés macronistes.
Dénonçant des "manoeuvres" et un "gâchis", le groupe Horizons a fini par retirer sa proposition de loi de lutte contre la récidive, après avoir été battu dans l'hémicycle sur sa mesure-phare.
Leurs alliés Renaissance et MoDem voyaient dans le texte un retour des "peines plancher" chères à Nicolas Sarkozy.
"J'étais prête au combat, argument contre argument, conviction contre conviction. J'étais moins prête aux coups tordus", a lâché l'auteure du texte, Naïma Moutchou, devant l'Assemblée nationale. "Il y aura un avant et un après", a réagi sur Twitter son collègue Horizons Frédéric Valletoux.
Les débats, qui ont duré toute la matinée, ont donné lieu à de longues interventions du ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti, farouchement opposé au texte, ainsi que d'autres orateurs.
Des élus à gauche et à droite ont pointé une forme d'"obstruction".
L'article clé, qui prévoyait une peine minimale d'un an d'emprisonnement pour des délits de violences, commis en récidive, contre les agents publics, a été repoussé par 98 voix contre 87. Visiblement courroucée, Mme Moutchou a ensuite annoncé le retrait de l'ensemble du texte, qui devait allier dissuasion et prévention.
Il était examiné en ouverture d'une "niche" Horizons, journée dédiée aux propositions du jeune groupe de 29 députés.
"C'est la première de notre famille politique et nous avons toujours voulu être sur des sujets concrets, de fond", selon le président du groupe Laurent Marcangeli, ex-maire d'Ajaccio.
Sécurité et justice correspondent à "l'ADN politique" d'Horizons, à l'aile droite de la majorité, dans la lignée du parti fondé à l'automne 2021 par l'ancien Premier ministre Edouard Philippe.
Cette journée, dit-on au groupe, "c'est aussi son image", celle d'un poids lourd politique qui trace sa route et pourrait bien candidater à l'Elysée en 2027.
- "Déni" -
Mme Moutchou a critiqué un "blocage idéologique" des partenaires du camp présidentiel, alors que "le phénomène de la récidive progresse chaque année, nos forces de l'ordre sont des cibles".
"Les pompiers, les personnels de santé, les enseignants et les chauffeurs de bus" deviennent "victimes eux-aussi de la remise en cause de l'autorité". Les chiffres ont été cependant disputés dans l'hémicycle.
"Je regrette cette attitude de déni" des macronistes et "c'est un combat que nous continuerons de mener", a ensuite déclaré devant la presse M. Marcangeli, déplorant "un vote qui hélas va à l'encontre de l'intérêt des Français" et "de ceux qui servent la Nation chaque jour".
Mais pour M. Dupond-Moretti, c'était niet à la peine d'un an minimum. "Je suis un pragmatique, pas un dogmatique", or cela n'est pas "utile", a-t-il martelé, après l'expérience des peines plancher sous Nicolas Sarkozy.
Mme Moutchou a récusé qu'il s'agissait de revenir au large dispositif en vigueur de 2007 à 2014.
La gauche s'est également opposée à la proposition de loi, perçue comme du "populisme carcéral" dans un "retour au XIXe siècle".
En revanche, droite et RN ont soutenu un texte allant "dans le bon sens", et ont même cherché à le durcir ou à revenir au large champ Sarkozy-Dati.
Ces députés se sont plu à relever "l'éclatement" de la majorité sur le sujet. "La ligne d'Horizons est une ligne abstraite qu'on n'atteint jamais", a ironisé Timothée Houssin à l'extrême droite.
La présidente du groupe Renaissance Aurore Bergé dit "assumer" qu’il puisse y avoir "des désaccords dans la majorité", du moment que les trois partenaires se retrouvent sur l'essentiel, comme sur le dossier inflammable des retraites.
Reste qu'en coulisses, les députés Renaissance sont accusés régulièrement par leurs alliés de "se comporter toujours comme un groupe de majorité absolue".
"Nous savons faire la part des choses", a relativisé Laurent Marcangeli après "l'échec" de la matinée.
Les autres propositions de loi Horizons au menu jeudi étaient moins polémiques.
L'Assemblée nationale a ainsi voté dans la concorde l'obligation pour les réseaux sociaux de vérifier l'âge de leurs utilisateurs et l'accord des parents pour l'inscription d'enfants de moins de 15 ans.
En fin de soirée, les députés unanimes ont adopté un texte sur l'accompagnement des familles d’enfants malades, auquel a été ajouté un allongement du congé pour décès d'un enfant.