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Se donner du temps pour associer l'ensemble des acteurs à la lutte contre les violences sexuelles et ne pas trop partager le pouvoir: c'est ce qu'ont décidé les évêques vendredi, ce qui a suscité la "déception" de victimes ou de laïcs engagés sur ces sujets.
Les quelque 120 membres de la Conférence des évêques de France (CEF) étaient réunis à Lourdes pour examiner les 60 propositions émises par une centaines de clercs, laïcs et personnes victimes de violences sexuelles dans un rapport, fruit de 18 mois de travail.
Autrement dit, l'acte II des suites du rapport choc de la commission Sauvé qui avait révélé l'ampleur de la pédocriminalité dans l'Eglise.
Les évêques étaient attendus pour prendre des mesures de fond, dans différents domaines: formation des futurs prêtres, accompagnement des prêtres et des évêques dans leurs fonctions, mais aussi des clercs "mis en cause".
Concrètement, sur les 60 propositions, les évêques ont adopté une dizaine de mesures les concernant directement et touchant à leurs missions: des "visites régulières" extérieures pour vérifier l"'exercice normal" de leurs fonctions, la rencontre régulière et individuelle des prêtres avec leur évêque, ou encore la présence d'une "diversité" (laïcs, dont des femmes) dans les conseils épiscopaux.
Quelques mesures votées visent aussi à assurer un contrôle renforcé des associations de fidèles menant une vie commune, parfois lieux de dérives spirituelles et de violences sexuelles.
Mais sur les autres propositions du rapport, "il nous a semblé nécessaire de (les) faire travailler dans nos églises par les acteurs" locaux, pour instituer un "changement de culture", a dit le président de la CEF, Eric de Moulins-Beaufort, lors d'un point de presse. Avec "un point d'étape et d'évaluation en mars 2025".
- partage du pouvoir -
Parmi les propositions non votées à ce stade figuraient, par exemple, une demande de parité clercs-laïcs dans les conseils épiscopaux. Ou la présence de laïcs au conseil permanent (conseil de direction) de la CEF, avec droit de vote. Ou encore la mise en place d'un Observatoire national indépendant chargé de recenser les agressions sexuelles.
Sur ce dernier point, les évêques ont préféré gérer ce recensement par une instance interne.
"Certains (...) sont peut-être déçus", a reconnu Eric de Moulins-Beaufort, soulignant qu'ils pourraient "avoir l'impression que, sur bien des sujets, nous renvoyons le dossier à d'autres".
"J'éprouve de la déception. Ils n'ont pas sorti grand chose de nos travaux", a confirmé auprès de l'AFP Véronique Garnier, une victime qui a participé aux groupes de travail ayant élaboré les 60 propositions.
Une autre participante, qui a requis l'anonymat, a estimé que l'épiscopat "bottait en touche", sans doute par "peur de la perte du contrôle du processus".
"Ce qui a été adopté aujourd'hui (vendredi), c'est ce qui ne touche pas à la question du pouvoir" des évêques, alors qu'il leur était proposé de "davantage partager ce pouvoir", a regretté Céline Béraud, sociologue des religions, elle aussi membre d'un groupe de travail. Notamment pour éviter l'entre-soi, lui aussi risque de dérives potentielles.
Les évêques ont cependant voté le principe de tenir une assemblée plénière avec des laïcs tous les trois ans.
Un vote concret, financier, a été pris en direction des victimes: les évêques "se sont engagés" à abonder une deuxième fois le fonds Selam, le Fonds de secours et de lutte contre les abus sur mineurs dans l'Eglise catholique, qui verse aux victimes les réparations financières, une fois rendues les décisions de l'Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (Inirr).
"On va le réabonder à hauteur de 20 millions d'euros", a assuré à l'AFP une source proche du dossier.
Le premier versement avait été de 20 millions d'euros et risquait d'être "épuisé" d'ici à la fin de l'été, a rapporté l'un des vice-présidents de la CEF, Dominique Blanchet.
En Allemagne, évêques, prêtres, religieuses et laïcs réunis en synode depuis quatre ans, n'ont pas hésité mi-mars à se prononcer pour la possibilité pour les femmes de devenir diacre. Ils ont aussi demandé au pape d'examiner l'obligation de célibat pour les prêtres.