Partager:
Doré, croustillant, juteux... Les juges japonais du Grand Prix du "karaage" ont récemment croqué des centaines de morceaux de cette spécialité nationale de poulet frit pour distinguer les meilleures bouchées, avec des enjeux économiques énormes pour les restaurateurs en lice.
Le karaage (prononcé "kala-agué") a un tel statut dans l'archipel que le concours, qui en est déjà à sa 14e édition, a dû changer de formule cette année après des accusations de fraude et mettre en place un jury de professionnels à la demande de restaurants, échoppes spécialisées et bars participants.
Les vainqueurs étaient jusque-là désignés par le public qui votait sur internet, mais des rumeurs couraient au sujet de participants créant une multitude d'adresses e-mail pour fausser le résultat.
"Avant, les gens votaient sans même goûter", déclare à l'AFP Kazuhiko Nakano, gérant d'une chaîne de bars qui a déjà remporté plusieurs prix de ce concours, et dit avoir vu ses ventes de karaage augmenter de 80% après sa première récompense en 2020. Certains lauréats ont vu leur recettes tripler.
Si le poulet frit coréen suscite depuis quelques années un engouement mondial, le karaage est roi au Japon, où le mot désigne une technique consistant à faire mariner le poulet (mais aussi d'autres viandes, du poisson voire des légumes) et à l'enrober de farine et d'amidon avant de le frire.
Le jury du Grand Prix, qui a remis cette semaine ses récompenses dans diverses catégories (karaage aromatisé à la sauce soja, au sel...) lors d'une cérémonie, était principalement constitué de professionnels de l'industrie alimentaire.
Ils se sont réunis plusieurs fois à travers le pays, goûtant environ 25 sortes de karaage par jour après avoir écouté une courte présentation de chaque cuisinier, et mâchant des morceaux d'ananas dans l'intervalle pour faciliter la digestion.
- Le karaage "fait voyager" -
"Je mange du karaage tous les jours depuis plus de dix ans", confie Iku Arino, une membre du jury, estimant avoir goûté le poulet de "3.300 établissements". "Je ne m'en lasse jamais", assure-t-elle.
Le président du jury, Koichiro Yagi, a cependant expliqué à l'AFP vouloir peaufiner le système à l'avenir, alors que chaque juge a dû ingurgiter environ un kilo de poulet à chaque session cette année.
Pour augmenter leurs chances, certains restaurateurs sont allés jusqu'à faire la tournée des établissements de la petite ville de Nakatsu, sur l'île de Kyushu (sud-ouest du Japon), qui a la réputation de produire le meilleur karaage du Japon, et dont plusieurs restaurants ont déjà été primés au concours.
"Il y a beaucoup d'échoppes de poulet à Nakatsu et nous les avons toutes essayées", explique Takehiro Matsumoto, dont le karaage a été distingué au Grand Prix ces trois dernières années.
Au-delà de Nakatsu, "si on entendait qu'un restaurant était bon, on y allait et on l'étudiait pour trouver le meilleur", ajoute-t-il.
Pour identifier un bon karaage, le juge en chef Koichiro Yagi a expliqué être à la recherche d'un morceau de poulet qui "raconte une histoire".
"La saveur initiale vous attire par son arôme puis son goût, mais le vrai plaisir du karaage est qu'il vous fait voyager", a détaillé le juge, vêtu d'un manteau traditionnel frappé du slogan "le karaage change le monde".
Selon lui, il n'existe cependant pas de recette magique pour cuisiner un bon karaage. "Il change en fonction de la situation dans laquelle vous le mangez", estime-t-il.
"Cela dépend également de la personne avec qui vous êtes quand vous le mangez, et de la manière dont vous le dégustez". "Qu'est-ce qui fait un +karaage parfait+? C'est une question difficile", élude-t-il.