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La mer d'une incroyable richesse entourant les chaînes de montagnes sous-marines au large du Chili pourrait se convertir, sous l'impulsion du pays sud-américain et en cas de vote favorable à l'ONU, en un des premiers sanctuaires de biodiversité dans les eaux internationales.
Les Nations unies se réunissent à partir de lundi à New York pour tenter d'accoucher d'un accord crucial pour les océans permettant notamment la création d'aires marines protégées (AMP) au-delà des zones économiques exclusives (ZEE) des Etats, soit à 200 milles nautiques des côtes (370 km).
Cette vaste zone de haute mer a longtemps été ignorée bien qu'elle représente 60% des océans et recèle une grande biodiversité. Protéger ces eaux, qui couvrent près de la moitié de la planète, est crucial pour la santé de l'océan tout entier et capital pour limiter le réchauffement de la planète.
Actuellement, seul 1% de ces eaux est protégé.
Pour le Chili, avec ses plus de 6.400 km de côtes et où la protection de l'environnement est un thème politique fort, la question est sensible.
- "Pas suffisant" -
Le pays a déjà créé 42 aires marines protégées dans ses eaux correspondant à une superficie de 150 millions d'hectares, soit 43% de sa ZEE, selon le ministère de l'Environnement chilien.
Ce ministère avait toutefois jugé en 2021 que "ce n'est pas suffisant", et annoncé "des efforts pour créer une aire marine protégée en haute mer", dans le Pacifique oriental, "en tant que mesure prioritaire pour faire face à la crise climatique".
Cette aire verrait le jour autour des dorsales de Nazca et de Salas y Gomez, deux chaînes de montagnes sous-marines d'origine volcanique situées en majorité dans les eaux internationales, au large du Chili et du Pérou.
Avec des trésors de biodiversité et d'espèces endémiques, ces dorsales qui s'étirent sur quelque 2.900 km, à la perpendiculaire des côtes chiliennes, font partie des dix sites retenus par l'ONU comme prioritaires en matière de conservation dans les eaux sous juridiction d'aucun pays.
Du fait de son isolement, cette zone dispose d'une "biodiversité unique qui est marquée par l'un des plus hauts niveaux d'endémisme marin sur Terre", assure une étude publiée en 2021 dans la revue de référence Marine Policy.
Les deux dorsales servent de refuge à une grande diversité d'espèces résidentes et migratrices: éponges, coraux, tortues, étoiles de mer et une myriade de poissons, mollusques et autres crustacés. Les rorquals bleus et les tortues luth, menacés, reviennent notamment dans ces eaux chaque année pour se reproduire et se nourrir.
"Chaque fois que nous allons dans cette zone et que nous prélevons des échantillons, nous trouvons de nouvelles espèces", souligne auprès de l'AFP Javier Sellanes, du Centre d'écologie et de gestion durable des îles océaniques de l'Université catholique du Nord.
"Protéger cette diversité unique sur la planète est de la plus haute importance", estime-t-il, comparant les deux dorsales "à une sorte d'oasis au milieu d'un désert marin".
Une aire marine à cet endroit permettrait de "relier" celles créés par le Chili dans ses eaux, dont celle entourant la célèbre île de Pâques, plaide en outre le pays sud-américain.
Le Pérou a également protégé en 2021 une partie de cette zone se trouvant dans ses eaux.
"Le Chili a élaboré et mis en oeuvre un plan de travail scientifique, qui vient étoffer les connaissances scientifiques déjà solides expliquant pourquoi cette zone est importante pour la biodiversité", souligne auprès de l'AFP Liz Karan de l'ONG Pew Charitable Trusts, estimant le pays "absolument à la hauteur de la tâche".
Selon le projet de traité en débat à l'ONU, un pays, agissant seul ou avec d'autres, peut demander la protection d'une zone de haute mer, une décision ensuite soumise au vote des Nations unies. Il ne précise cependant pas comment assurer concrètement la mise en oeuvre de mesures de protection dans ces vastes étendues isolées. Certains experts comptent sur les satellites.
Selon l'étude de Marine Policy, les stratégies les plus efficaces pour protéger la haute mer au large du Chili comprennent la limitation des activités de pêche et l'interdiction de l'exploitation minière, "encore à un niveau peu élevé"...