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Au procès de Trèbes et Carcassonne, la défense plaide la clémence contre l'"emprise"

Une "gamine" radicalisée à 15 ans via son petit-ami de huit ans son aîné, un dossier qui "transpire" l'emprise. Au procès des attentats de Trèbes et Carcassonne, la défense de Marine Pequignot a supplié jeudi la cour de ne pas la renvoyer en prison.

C'est contre la jeune femme de 24 ans, au visage toujours de marbre et longs cheveux noirs, que le parquet national antiterroriste a requis la peine la plus lourde.

"Onze ans de réclusion de criminelle" et un retour en détention, ont requis mardi les avocates générales, qui n'ont pas cru au "narratif" d'une "jeune fille naïve et amoureuse" tombée dans les griffes de Radouane Lakdim, l'auteur de l'attentat qui a fait quatre morts à Trèbes et à Carcassonne le 23 mars 2018.

Alors le Pnat a sorti de son chapeau "un nouveau scénario", accuse Me Alexandra Boret, où Marine Pequignot et Radouane Lakdim deviennent les "Bonnie and Clyde du terrorisme", partagent "un dessein criminel commun, chacun le sien, mais main dans la main".

A Radouane Lakdim, tué par les gendarmes, l'attentat. A Marine Pequignot, la "dissimulation active" des projets de son compagnon et la préparation d'un départ en Syrie.

Mais l'accusée avait "14 ans", c'était "une gamine" quand elle a rencontré Radouane Lakdim, et ça, les avocates générales l'ont à peine mentionné, fulmine Me Boret.

"Elle venait de faire sa rentrée en 3e E" et Radouane Lakdim, lui, avait 22 ans, "huit ans de plus", "une fois et demi son âge", énumère l'avocate qui ne sait plus comment illustrer le "déséquilibre originel" dans cette affaire.

"On ne plaide pas l'emprise pour se dédouaner" et Marine Pequignot n'est pas une victime à ce procès, dit Me Boret. Mais "passer à côté de l'emprise qui transpire de tous les pores de ce dossier, ce n'est pas possible".

- "Pragmatique" -

Marine Pequignot, seule femme des sept accusés, est jugée pour association de malfaiteurs terroriste. Ultraradicalisée, fichée S à 17 ans, elle était selon l'accusation la "petite amie préférée" de Radouane Lakdim et connaissait "quasiment" tout de son projet d'attentat.

Mais "on n'est pas là pour juger Marine Pequignot de ses 14 à ses 18 ans", rappelle son deuxième avocat, Benjamin Bohbot.

Car la cour n'est saisie dans le cas de Marine Pequignot que d'une très courte période: janvier à mars 2018, moins de trois mois avant les attentats, quelques semaines durant lesquels ils ne se sont quasiment pas vus et ont très peu échangé.

"Pas un mot" à l'audience sur le choix de cette courte période retenue, mais une certitude, pour la défense de Marine Pequignot: plus long, ça voulait dire que Marine Pequignot était jugée en tant que mineure et avec une peine encourue potentiellement bien plus basse.

Avant le procès, dit Me Bohbot, sa cliente lui avait demandé si on y montrerait les vidéos de propagande du groupe Etat islamique retrouvées dans son téléphone. Si oui "j'en mourrai de honte", avait-elle dit.

Il s'adresse à elle. "C'est la réalité qui fut la vôtre, de vos 14 à vos 18 ans. Je ne minimiserai rien".

Mais "aussi graves qu'ont été ces vérités", la jeune femme aujourd'hui téléconseillère et déradicalisée selon les services spécialisés, ne "mérite pas" ces réquisitions "injustes et aveugles", lui assure-t-il.

Marine Pequignot a déjà passé "deux ans et trois mois" en prison. Son avocat lit une lettre envoyée à ses parents après son arrestation. "J'ai mangé de la terrine à la volaille, c'était bon mais les plats de maman me manquent. Ce matin j'avais sport et à 15H00 j'ai école".

Sur les banc du public, son père et sa soeur pleurent à gros sanglots.

Me Bohbot dit qu'il devrait "peut-être plaider l'acquittement avec plus de force et de hargne" mais préfère être "pragmatique" et se concentrer sur la condamnation.

"Je ne concèderai rien sur la peine qui vous est proposée", tente-t-il en conclusion. "Pas un jour de détention. Pas un seul".

Le verdict est attendu vendredi soir.

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