Partager:
Sur son cheval Diamond, John Beck galope à travers les obstacles disposés dans un enclos de la taille d'un terrain de football, en compétition avec une cinquantaine d'autres participants au rodéo de Denton, en plein cœur du Texas.
Un événement qui, a priori, ne se démarque pas des nombreux autres dans tout l'Etat, avec ses épreuves de prise des veaux au lasso ou consistant à tenir le plus longtemps possible sur le dos d'un taureau.
Sa différence: il est ouvert tant aux hétérosexuels qu'aux personnes LGBT+ et permet à tous, hommes comme femmes, de s'affronter directement, plutôt qu'être séparés comme cela se fait dans un rodéo classique.
Le rodéo de Denton, ville de 158.000 habitants du fin fond des terres conservatrices du Texas, financé par des dons, propose ainsi des épreuves inédites, à l'image du clou du spectacle, la "Wild Drag Race", durant laquelle les participants, en robe et perruque, doivent tenir le plus longtemps possible sur le dos d'un veau.
Généralement, le veau se rebiffe, la corde de maintien se brise, le cavalier tombe et les spectateurs, peu nombreux mais enthousiastes, applaudissent.
"Tous ont la même chance de participer, à la différence d'un rodéo traditionnel", insiste Jim Gadient, 68 ans, membre de l'Association de rodéo gay du Texas (TGRA).
La TGRA a été lancée il y a 40 ans en soutien aux personnes atteintes du sida, quand les aides publiques n'existaient pas.
"Nous l'avons créée afin de promouvoir un style de vie à l'américaine et pour être une organisation caritative", souligne M. Gadient.
-"Vivre mon rêve"-
Secouriste de 35 ans, Sean Moroz, qui participe à la Wild Drag Race, explique qu'il a grandi dans un environnement "western" mais "réellement hyper-masculin".
"Quand j'ai découvert l'existence d'un rodéo gay (...) ça a été comme pouvoir vivre mon rêve (...) Les personnes avec qui je participe sont mes amis, ma famille, j'apprends d'eux et je peux être moi-même", explique-t-il.
John Beck, 73 ans, est cowboy professionnel, avec l'ensemble de l'attirail: jeans, bottes, chapeau avec une immense plume bleue. Il a su dès l'enfance qu'il était gay.
"Je devais le cacher, quoi que je fasse je devais le cacher. Au lycée, certains élèves l'ont su mais personne ne disait rien", se remémore-t-il.
"Je suis monté sur des chevaux indomptés dans le monde hétérosexuel et j'ai fait de même dans le monde gay pendant 17 ans. Pareil pour les taureaux", insiste M. Beck, qui souligne qu'avec ses concurrents hétérosexuels "nous avons appris à nous entendre".
Mais c'est sur le terrain politique que la menace vient désormais, alors que le parlement du Texas a commencé a débattre de projets de loi, 140 au total selon l'ONG Equality Texas, qui visent à limiter les droits des personnes LGBT+.
Un des projets prévoit de retirer les fonds publics aux bibliothèques qui permettraient à des drag queens de lire des histoires aux enfants. De l'avis d'un responsable texan proche de Donald Trump, Dan Patrick, ces activités "endoctrinent et sexualisent" les mineurs.
Ils souhaitent également réduire l'enseignement des sujets lié à l'orientation sexuelle ou l'identité de genre, limiter les traitements à destination des mineurs transgenres, retirer les livres considérés comme "obscènes" des bibliothèques ou encore mettre fin aux politiques en faveur de la diversité.
A Denton, les drag queens font partie intégrante du show, bien au-delà de la Wild Drag Race.
A la fin du rodéo, un repas est organisé pour collecter des dons et les drag queens y assurent le spectacle.
Parmi elles, Delilah DeVasquez, 50 ans, estime que les craintes soulevées par les élus n'existent tout simplement pas car, à ses yeux les choses sont claires.
"Nous adaptons notre spectacle à notre audience, s'il y a des enfants nous agissons en conséquence en comparaison d'une audience purement adulte, c'est totalement différent", assure-t-elle, "C'est aux parents de décider s'ils veulent ou non exposer leurs enfants à des drag queens".
Surtout, les élus texans devraient revoir leurs priorités et se concentrer sur "la régulation des armes", dans un pays désormais habitué aux fusillades mortelles, plutôt que de cibler la communauté gay, insiste Jim Gadient.