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Brandissant le poing ou priant sur le tarmac de l'aéroport, des prisonniers de guerre libérés vendredi au Yémen ont laissé éclater leur joie, avant de donner l'accolade à leurs proches, soulagés.
Plus de 300 détenus ont été libérés au premier jour d'un vaste échange de prisonniers entre les camps ennemis qui s'affrontent depuis plus de huit ans: d'un côté, les rebelles Houthis proches de l'Iran, qui contrôlent la capitale Sanaa, et de l'autre, le gouvernement appuyé par l'Arabie saoudite, siégeant à Aden (sud).
Sur le tarmac de l'aéroport de Sanaa, des centaines de proches de prisonniers s'approchent de l'avion qui vient d'atterrir, les yeux rivés sur la porte, dans l'espoir de voir sortir leurs fils, leurs frères ou leurs pères.
A la descente de l'avion des détenus, des enfants leur jettent du riz et des pétales de roses pour célébrer leur retour.
"J'éprouve la même chose que tout le monde ici", dit à l'AFP Yahia Abou Korra, se réjouissant comme les autres de voir enfin leurs familles réunies pour la fête de l'Aïd el-Fitr, qui marque la fin du mois de jeûne musulman. Pour lui, la fête est "double".
Fin mars, au début du ramadan, le gouvernement et les rebelles avaient conclu un accord à Berne, en Suisse, pour échanger près de 900 prisonniers. La dernière opération de cette ampleur remonte à octobre 2020, lorsque plus de 1.000 détenus avaient été libérés.
La nouvelle opération, supervisée par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), intervient dans un contexte d'apaisement régional, l'Arabie saoudite et l'Iran ayant décidé de se rapprocher après des années de froid diplomatique et d'opposition dans différents conflits de la région.
Une délégation saoudienne a quitté Sanaa jeudi sur un "accord préliminaire" de trêve avec les rebelles, selon ces derniers, qui ont qualifié les négociations de "positives".
- "Indescriptible" -
A Aden, des milliers de familles se sont aussi rassemblées à l'aéroport pour accueillir les prisonniers arrivés de Sanaa, après avoir été libérés par les rebelles.
Père d'un détenu, Nasser Al-Dhalei parle de "sentiments indescriptibles". "Une grande joie s'est répandue dans toute la société yéménite avec la libération des prisonniers politiques et de guerre", a-t-il dit à l'AFP.
Parmi ces détenus, Salim Saleh Al-Jamzi a été libéré après avoir passé trois ans et huit mois dans les geôles des rebelles, disant avoir souffert notamment de "la torture, du manque de nourriture". "Je ressens une joie immense", dit-il, tout en demandant "à Dieu de libérer (...) tous les autres prisonniers".
"Aujourd'hui, ils (les prisonniers) (...) reviennent à la vie", se réjouit près de lui son père Saleh Al-Jamzi.
Plus tôt dans la journée, sous la supervision des autorités gouvernementales, de grands bus blancs étaient arrivés à l'aéroport avec à leur bord des prisonniers Houthis en robes et turbans traditionnels, emportant de petits sacs à dos ou quelques affaires, avant d'embarquer dans l'avion qui les a emmenés à Sanaa.
Certains détenus ont aidé les plus âgés et affaiblis à descendre, dont certains en fauteuil roulant.
Parmi les combattants rebelles libérés, Hamid Hussein a tenu à "remercier Dieu pour cette joie". Mais, s'il faut, faute de trêve ou d'avancées, il s'est dit prêt à "retourner au front".
La guerre au Yémen, déclenchée il y a plus de huit ans, a provoqué l'une des pires crises humanitaires au monde, avec des centaines de milliers de morts et des millions de déplacés, dans un contexte d'épidémies, de manque d'eau potable et de faim aiguë. Plus des trois quarts de la population dépendent d'une aide internationale qui ne cesse pourtant de diminuer.