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"La ville du chaos". Lorsque la marque branchée Cotopaxi a utilisé ces termes pour justifier la fermeture de son magasin à San Francisco, régulièrement pillé par des délinquants, elle est devenue un parfait exemple d'un thème majeur des élections de mi-mandat: l'insécurité.
"Notre magasin est victime de réseaux de voleurs plusieurs fois par semaine", s'est plaint le patron de l'entreprise Davis Smith fin octobre, dans une publication devenue virale sur les réseaux sociaux. "Ils entrent sans aucune gêne dans le magasin et repartent avec des milliers de dollars de marchandise. Notre équipe est terrorisée."
La désertion de la marque a eu valeur de symbole avant le scrutin du 8 novembre, pour lequel les républicains dénoncent la montée de la délinquance et intentent un procès en laxisme au président Joe Biden et aux démocrates.
Car avec ses cafés tendance, ses enseignes de meubles vintage et ses bijouteries de luxe, le quartier de Hayes Valley, où la boutique était située, était plutôt réputé comme un endroit où l'on croise de riches entrepreneurs de la tech ou des stars comme Michelle Obama, pas vraiment comme un repaire du crime.
A San Francisco, l'annonce du patron de Cotopaxi a défrayé la chronique. C'était "un message, (...) un signal d'alarme", selon Lloyd Silverstein, président de l'association des commerçants de Hayes Valley. "Cela fait longtemps que nous essayons d'attirer l'attention de la police et qu'on leur dit: +on a un problème ici+"
- Manque de police -
Depuis son magasin de lunettes design, il explique avoir vu les vols à l'étalage se multiplier dans le quartier. Après la création d'un groupe d'alerte pour que les commerçants puissent signaler les malfaiteurs, "je recevais des messages toutes les dix minutes", raconte-t-il.
Mais il aura fallu le coup d'éclat de Cotopaxi pour mettre en place une patrouille de deux policiers à Hayes Valley. Depuis le quartier est bien plus tranquille.
L'insécurité est loin d'être un problème propre à San Francisco, où les habitants ont révoqué cette année le procureur général démocrate Chesa Boudin, accusé de laxisme.
La criminalité est le deuxième sujet qui préoccupe le plus les électeurs américains derrière l'économie, selon un sondage Gallup. D'après l'enquête, 71% des personnes interrogées assurent que cela jouera sur leur vote.
A Hayes Valley, Robert Barnwell estime que le problème est notamment causé par le manque de policiers, dont le métier n'attire plus.
"C'est un problème en Californie et dans tout le pays", juge ce membre du comité de sécurité publique, en saluant les deux agents qui patrouillent.
- Sentiment d'abandon -
Résultat, les républicains ont fait de l'insécurité un fer de lance de leur campagne.
"Nous sommes une nation où (...) la criminalité explose et est hors de contrôle", a dénoncé l'ex-président Donald Trump lors d'un meeting dans l'Etat de l'Iowa jeudi.
Les chiffres suggèrent toutefois une réalité plus nuancée.
Au premier semestre, 29 grandes villes - dont des bastions démocrates comme New York, Los Angeles et San Francisco - ont enregistré une hausse des atteintes aux biens, selon le groupe de réflexion Council on Criminal Justice. Mais les homicides et les vols à main armée sont eux en baisse.
De leur côté, les démocrates dénoncent un effet de manche de la part du "Grand Old Party".
"Ils ne souhaitent pas régler le problème. (...) Ils essaient juste de susciter la peur et l'anxiété", s'est agacé Hillary Clinton sur CNN cette semaine, en accusant les Etats républicains d'afficher les taux de criminalité les plus élevés.
A San Francisco, les électeurs se sentent abandonnés face à ce jeu de postures.
"Comment pouvons-nous vivre comme ça ?", s'indigne Anthony Jackson dans le quartier de Tenderloin, en pointant un trottoir occupé par une dizaine de sans-abri.
"Ce n'est pas seulement la police, ni le procureur, c'est nous, nous tous qui devons travailler ensemble", estime l'enseignant de 58 ans. "Mais au lieu de cela, nous avons juste des politiques qui se pointent du doigt".