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Biden, un optimiste dans la bataille pour "l'âme" de l'Amérique

Il se voit en général optimiste de la "bataille pour l'âme" tourmentée de l'Amérique: à 80 ans, Joe Biden repart à l'assaut de la Maison Blanche.

Une victoire le porterait au pouvoir jusqu'à ses 86 ans, du jamais vu.

Obstiné à défaut d'être flamboyant, débonnaire à défaut d'être charismatique, Joe Biden a derrière lui une vie d'échecs politiques cuisants et de drames personnels. Il en a paradoxalement tiré une confiance peu commune en sa bonne étoile.

"Nous sommes les Etats-Unis d'Amérique pour l'amour de Dieu. Il n'y a rien que nous ne puissions faire", dit souvent le 46ème président, qui semble alors parler autant de lui que de son pays.

En 2017, Joe Biden semblait voué à une paisible retraite et à un relatif oubli quand une parade de l'extrême droite dans les rues de Charlottesville (Virginie, sud), en août, le décide à mener la "bataille pour l'âme de l'Amérique", et contre Donald Trump.

- "Nouveau départ" -

Lors de son investiture le 20 janvier 2021 sur les marches du Capitole, pris d'assaut quelques jours auparavant par les partisans de son prédécesseur républicain, Joe Biden promet un "nouveau départ".

Sénateur pendant trente-six ans, vice-président de Barack Obama pendant huit ans, il est président d'une Amérique hantée par la violence: celle des inégalités sociales et raciales, celle des attaques politiques, celle des morts par overdose et des tueries par arme à feu.

Le remède, selon lui, se trouve en partie dans le rêve américain de la prospérité, cette "quête du bonheur" inscrite dans la Déclaration d'indépendance.

Persuadé que la démocratie s'abîme dans les fins de mois difficiles, Joe Biden veut rendre sa "dignité" à l'Amérique "oubliée" par la mondialisation.

A cet électorat que Donald Trump, milliardaire né dans une famille fortunée, a su séduire, Joseph "Robinette" Biden Junior répète qu'il est, lui, un enfant de la "middle class" et un fier descendant d'immigrés irlandais - il s'est d'ailleurs offert un voyage sur les terres de ses ancêtres en avril, comme un retour aux sources avant de se jeter dans la campagne.

Né le 20 novembre 1942 à Scranton, Pennsylvanie (nord-est), aîné de quatre enfants, "Joey" ne grandit pas dans la pauvreté, mais son père entrepreneur connaît des cahots financiers.

- Sénateur à 29 ans -

Un petit boulot de maître-nageur dans un quartier à majorité noire lancera son long dialogue avec les Afro-Américains, à qui il devra, en grande partie, ses succès électoraux.

Lesquels ne se font pas attendre. Après des études de droit, et sans avoir combattu au Vietnam, le jeune homme longiligne au large sourire devient en 1972, à 29 ans, sénateur du Delaware pour le parti démocrate.

Un mois après l'élection, sa femme Neilia meurt dans un accident de voiture, avec leur fille encore bébé. Le nouveau sénateur prête serment près du lit d'hôpital de ses deux garçons survivants, Beau et Hunter.

L'Amérique se souviendra de cette triste image en 2015, lorsque Joe Biden, ravagé de chagrin, enterrera son aîné chéri Beau, mort d'un cancer.

Ces tragédies intimes ont façonné un président qui, après une fusillade, après une catastrophe, se fait "consolateur en chef". Son empathie, mais aussi ses gaffes, deviendront des marques de fabrique.

- Bégaiement -

Il n'a ni l'aisance oratoire de Barack Obama, ni la présence physique de Donald Trump, mais Joe Biden compense en obstination ce qui lui manque en charisme. Enfant, il dit avoir corrigé seul un bégaiement en récitant des poésies, évidemment irlandaises.

Trois fois, il est parti à l'assaut de la Maison Blanche. En 1988, la tentative tourne court à cause d'accusations de plagiat. En 2008, il devient vice-président.

Quand viendra son tour de choisir, il fera de Kamala Harris la première femme, et la première Asiatique et Afro-Américaine, vice-présidente.

Elu sur une promesse de retour à la normale après la pandémie et Trump, Joe Biden se montre, en début de mandat, à la hauteur: l'Amérique vaccine en masse, son économie se remet à rugir, elle "est de retour" sur la scène internationale.

Le président cultive une image d'Américain moyen, aimant la glace et les Corvette. Mais Joe Biden est aussi un millionnaire, qui offre à sa petite-fille des noces presque princières à la Maison Blanche.

Et tant pis si la presse grogne parce qu'elle est tenue à l'écart: on ne touche pas à la famille du président. Avec sa seconde épouse Jill Biden, mère de sa fille Ashley et professeure d'université, première First Lady à exercer une activité professionnelle, Joe Biden s'échappe presque chaque week-end pour retrouver son clan dans sa maison de Wilmington (Delaware).

Ce catholique fervent, néanmoins défenseur du droit à l'avortement, n'en sort que pour la messe.

S'il chante les louanges du défunt Beau, Joe Biden se veut aussi un père compréhensif pour son cadet. Avec ses anciennes addictions, Hunter Biden est une cible du camp conservateur qui lui reproche d'avoir mené des affaires louches en Ukraine et en Chine.

- Afghanistan, Ukraine -

A l'été 2021, le relatif état de grâce dont jouissait Joe Biden s'achève dans la poussière de l'aéroport de Kaboul. Les Américains assistent médusés à un retrait chaotique d'Afghanistan, et prennent ensuite de plein fouet une poussée historique d'inflation.

La cote de popularité de Joe Biden décroche, et restera par la suite toujours anémique.

Le président, désormais, avec sa démarche raide, sa silhouette frêle et ses instants de confusion, fait ses 80 ans. Les bilans médicaux rassurants publiés en novembre 2021 puis en février 2023 n'y changent rien.

Joe Biden a tout le mal du monde à faire partager son optimisme, malgré quelques réussites indéniables.

Ainsi quand il orchestre la réponse occidentale face à l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Nul doute que les images de sa visite hors norme à Kiev seront abondamment recyclées dans ses clips de campagne...

Ou quand il fait adopter de gigantesques réformes économiques pour tenir tête à une Chine conquérante, bien qu'il ne contrôle le Congrès que d'un cheveu au début de son mandat.

Il doit aussi composer avec une Cour suprême ultra-conservatrice, héritage de son prédécesseur, qui dynamite en 2022 le droit constitutionnel à l'avortement.

Est-ce la déflagration de cette décision? Ou l'aversion que suscitent certains candidats fidèles à Donald Trump? En novembre 2022, aux élections de mi-mandat, le parti républicain n'inflige pas à Joe Biden la cuisante défaite attendue.

Le voilà donc reparti en campagne pour "sauver l'âme de l'Amérique". Ou au moins pour tenir cette promesse sans emphase faite en mars 2022 devant le Congrès américain.

"Tout ira bien", avait-il dit. "We are going to be okay."

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